Apolline est une Nadalienne. Son champion a gagné, son champion est fantastique. Bravo à Rafa d’être ce qu’il est et plus encore à chaque match. Point.
Apolline est une Nadalienne. Ca veut également dire qu’Apolline tance, Apolline mord et ne lâche jamais sa proie. Cinq heures pour écrire son texte du vendredi, cinq heures pour écrire son texte du dimanche. Pas de problème, Apolline est prête pour le combat, Apolline est toujours prête pour le combat. C’est qu’au fond d’elle Apolline aime bien ses lectrices et ses lecteurs, et le lien qui se développe cahin‐caha avec eux. Oh, bien sûr ils peuvent être un peu gonflants et l’ami Elmar a bien raison de souligner qu’il faut avoir un œil de lynx et des nerfs d’acier pour repérer et promouvoir la pépite d’info dans la bave d’onomatopées que nos internautes laissent sur le site. Et comme Apolline est capable de mordre même le jour où elle est tout occupée à pleurer, elle va rappeler à cette majorité de lectrices et lecteurs qui utilisent Welovetennis pour se lâcher sans entrave, ni syntaxe que ces gens‐là ne parviendront jamais à établir un Ordre véritable du Respect et de la Crédibilité si à chaque fois qu’il se passe quelque chose sur la planète tennis, ils balancent sans filtre ni réflexion leur réaction quatre secondes après avoir été impactés. On ne citera pas de noms, mais comment des internautes qui passent leur match à commenter n’importe quel point, n’importe quelle balle de break en tirant des conclusions définitives sur Federer ou sur Nadal, généralement pour dire pendant des dizaines de posts que tel joueur « n’a pas fait ci » et tel autre « n’a pas de première balle » ou carrément qu’il « donne le match à son adversaire », pensent attirer autre chose que de l’indifférence ou des yeux levés au ciel. Après un tel match, un tel niveau de jeu, un tel spectacle, personne n’aurait envie de prendre la plume pour se laisser aller à des sentiments qui dépassent sa petite névrose unilinéaire ? Nos deux champions ne méritent pas plus que ça ? Vous n’avez pas eu assez de tennis extraterrestre pour prendre le temps de vous mettre au niveau des idoles que vous admirez, qui vous font vibrer ? Vous n’avez pas envie de rendre par écrit ce que Nadal et Federer vous envoient par feutre ?
Bien heureusement, l’un d’entre vous parfois s’y colle et le boulot d’Apolline, son soleil qui illumine tous les ronchonneurs de comptoir, c’est de repérer le diamant pur au milieu du torrent de boue car ce diamant‐là fait oublier tout le reste du flux de déjections canines.
L’autre jour, un des lecteurs de Welovetennis, Jean‐René Reboundace, s’est mis en tête de chercher, d’aller plus loin, d’éteindre un petit accès de curiosité. Il s’agissait pour lui de découvrir qui était vraiment Apolline. Une simple requête Google lui a révélé que l’affaire était en fait un secret de Polichinelle. C’est que l’information ne se trouvait pas là. La découverte c’était de voir à quoi ressemblait Apolline dans la vraie vie. Et notre internaute de noter après visionnage de plusieurs clichés laissés ici ou là que la bougre n’était peut‐être pas celle qu’on pensait et tiens, entre autres observations, elle avait l’air tout le temps de sourire. Il suffisait d’ailleurs de relier ça à son pedigree carioca pour en déduire que le cas Apolline était finalement plus compliqué.
La vie, c’est toujours plus compliqué.
Dans le civil, Apolline rit en effet souvent, fait pas mal rire aussi, et quand elle ne sourit pas, elle se tient en public à être d’humeur égale. Mais l’autre jour Apolline n’a plus rigolé ni même souri du tout, Apolline a longuement pleuré et parce que votre grande amie a l’impudeur pédagogique, cette prétention très narcissique mais parfaitement assumée à penser qu’elle sent mieux que tout le monde ce que sont les sentiments à vif des gens pas ordinaires en vivant elle‐même une vie à vif et peu ordinaire, elle va vous expliquer dans quelles circonstances tout cela s’est passé. Après ça, elle construira sa passerelle avec ce qu’il s’est passé ce dimanche, ce qu’elle a si bien compris, si bien « ressentie » au moment de la remise des trophées.
Depuis un an, Apolline travaille sur son troisième film dont le sujet, elle vous le met dans le mille Emile, est… le narcissisme à l’heure de l’Internet. Comme elle a réalisé deux premiers films remarqués par la profession, ce troisième ouvrage lui est commandé par une grande chaîne nationale dans l’idée de programmer tout cela à une heure d’audience particulièrement prisée. Dans la théorie on a commandé ce film à Apolline parce qu’on pense qu’elle a le talent nécessaire pour porter une vision très originale sur le sujet. Mais on espère également chez la chaîne que, vus les enjeux, Apolline va comprendre d’elle-même qu’elle doit mettre un peu d’eau dans le vin de sa mise en scène pour rentrer dans la case qui lui a été destinée. Ce n’est pas écrit, rien n’est jamais écrit mais ça va de soi dans ce monde de dictature molle et d’autocensure induite. Mais de tout cela, Apolline s’en moque comme de son premier rappel du BCG, elle prépare un projet très personnel, fait un tournage super personnel, signe un montage ultra personnel et présente son film giga personnel aux responsables de la chaîne en n’ayant pas mis un pet de conservateur dans ce qu’elle considère comme un Romanée Conti plus qu’honorable. Elle présente le breuvage aux goûteurs officiels et les goûteurs boivent, ils recrachent immédiatement et ils font « Beurk ! Qu’est-ce que c’est que ça ? ». Ils le font une fois lors d’une première réunion houleuse. Ils le font deux fois et la tension monte encore. Ils le font trois fois et le projet est définitivement bloqué, le désaccord total entre les deux parties. Les semaines passent, et il faut bien que la situation évolue : voilà une 4ème tentative de consensus. Elle a lieu au siège de la chaîne. C’est décembre, il fait très froid, il pleut froid, c’est une journée triste à pleurer et, heureusement ou malheureusement, c’est ce qu’Apolline va tout à coup se mettre à faire.
Son film vient à peine de démarrer dans une salle tendue comme la corde du string de Nadal, et subitement, à cause de tout ça, la traversée de Paris en scooter dans le froid et sous la pluie, la tension nerveuse accumulée depuis des semaines après chaque refus du projet, l’impassibilité des goûteurs continuant de regarder les images sans s’émouvoir là où il faut, eh bien votre Apolline qui rigole tout le temps ou qui au moins sourit pour ne jamais plomber l’ambiance, ne tente plus de donner le change et sent au contraire une immense chape de désespoir s’abattre sur elle. Voilà maintenant des larmes, des vraies qui montent et mouillent ses jolis yeux, et pendant les 50 minutes de projection qui restent, Apolline ne va plus faire que pleurer, silencieusement, planquant à peine sa peine dans sa main, demandant à sortir pour aller aux toilettes s’essuyer, revenant, repleurant encore rien qu’à être rattrapée par la sensation de tristesse que toute cette scène lui procure. Dans la salle, c’est la gêne la plus absolue et chacun de s’interroger sérieusement comment quelqu’un supposé être maître de ses nerfs peut se sentir affecté à ce point par la projection de son film. Mais quand on a un rêve, quand on est porté par un idéal, quand un film c’est tout votre monde et un peu plus que ça, et que ce rêve, cet idéal, ce monde est en train de s’évanouir devant vos yeux, ne cherchez pas la morale de l’histoire, elle viendra naturellement à vous : c’est à chialer debout. Et si vous ne chialez pas toutes les larmes de votre corps, ce que ce n’était pas votre rêve.
Quand Apolline a vu la tête de Roger Federer au moment de serrer la main de Rafael Nadal, elle a dit à tout le monde : « Il va exploser pendant le discours. Il ne pourra pas parler ». Et ce parallèle paraîtra pour certains outrageusement prétentieux mais quand, à la sortie de sa première phrase, le visage de Federer s’est tordu en deux, Apolline a reconnu une façon de craquer et de pleurer par saccades totalement apollinienne. Selon l’expression populaire, on pouvait dire que Roger pleurait comme un gosse. L’autre jour, Apolline pleurait exactement comme ce gosse‐là, et en voyant Federer en miroir sur sa télé, elle a eu à nouveau les larmes qui montaient aux yeux, immédiatement, sans pouvoir se retenir. A vrai dire, à cette heure et quand elle écrit ces mots, elle les a encore au bord des yeux. Elle sait non seulement pourquoi Roger a pleuré mais surtout a repleuré dix secondes après, et puis trente secondes plus tard, et puis après le discours de Nadal, et puis dans les vestiaires et puis toute cette nuit dans les bras de Mirka, et pourquoi il pleurera encore mardi quand il passera voir ses parents. Le rêve, ce monde qui repasse devant vos yeux, s’évapore et à chaque fois c’est le déluge.
Mais il y a une première nuit pour évacuer les grandes eaux, et d’autres nuits qui aident à éponger les ravages de la crue, enfin une nuit où l’on dort à poings fermés, au sec, et un matin tout recommence, le rêve frappe à nouveau à la porte. Il est intact, avec son grand sourire et ses clins d’oeil aguicheurs, il donne juste l’impression d’avoir un petit peu changé mais c’est faux, en fait c’est vous qui avez changé. C’est l’adage nietzschéen selon lequel ce qui ne vous a pas tué vous a rendu plus fort. Vous êtes plus fort, vous le sentez, c’est en vous.
Parce qu’il a pleuré, parce qu’il pleurera encore dans les prochains jours, Federer reviendra plus fort à Roland, puis à Wimbledon, puis à l’US Open, puis à l’Open d’Australie et ainsi de suite. Vu le niveau de jeu qu’il a encore déployé dans cette finale (supérieur au niveau de ses grandes années puisque Nadal a encore progressé et Apolline le dit déjà en réaction de tous ceux qui vont tenter de discréditer le niveau du match alors qu’il a souvent défié l’entendement) il peut nourrir bien des espoirs de continuer à jouer les premiers rôles pendant longtemps. Jusqu’au dernier grand chelem, Federer jouera pour son rêve. Ce rêve n’est malheureusement pas celui d’Apolline le concernant, mais après tout chacun son rêve
Et il est évident qu’à cette heure, sa dénigreuse officielle en demeure à respecter sa peine immense en la partageant immensément, en la « vivant » immensément.
Apolline baise tes larmes, Roger
Et repart en salle de montage travailler sur une 5ème version de son film.
Amitiés
Apolline Céleste
PS : Ce texte ayant été écrit à l’aveugle (les yeux embués), Apolline se permet d’ajouter deux déclarations de Federer, lâchées en conférence de presse, qu’elle vient de découvrir,: « Mais écoutez, je veux dire, j’aime ce jeu, c’est tout un monde pour moi donc ça fait mal quand vous perdez » et « Si vous voulez, le premier moment, vous êtes déçu, choqué, triste et tout à coup tout ça vous submerge. Le problème c’est que vous ne pouvez pas partir aux vestiaires, prendre le truc à la cool et une douche froide. Vous ne pouvez pas. Il faut endurer ça. C’est le pire des sentiments, vous savez”.
Publié le dimanche 1 février 2009 à 21:41