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Apolline s’inscrit en faux sur tout

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Après avoir consacré sa peine à la tris­tesse profonde, véri­table, touchante de Roger Federer, Apolline reprend son bâton de pèlerin nada­lien parce qu’elle vient de lire de telles sottises depuis 24 heures que ça ne peut pas durer. 

Un match moyen, ce Federer‐Nadal ?

Faux, archi faux et puisqu’on fut comme nos Internautes réduit à le voir à la télé­vi­sion, ce média défor­ma­teur qui fait perdre une dimen­sion à l’œil et trans­forme le tennis en Wii du dimanche (« Y avait le court tout ouvert !», « C’est pas possible une volée aussi facile !», « Mais comment il peut avoir tant de balles de break dans le 3ème et pas finir !», « Il est nul, il donne le match », « Il avait la trouille, ça se voyait ») il faut relire ce matin l’impression des témoins au bord du court qui recoupent celle d’Apolline par projec­tion pour saisir l’intensité émotion­nelle qui a parcouru ce Nadal‐Federer pendant tout le match. Un silence de cathé­dral dans le stade pendant l’échauffement, des premiers jeux en round d’observation, certains échanges épous­tou­flants et d’une inten­sité plus forte qu’à Wimbledon par le fait d’une qualité de revers olym­pique de Federer, des trajec­toires croi­sées qui défient les manuels de balis­tique (les défenses coup droits croisés de Federer ou revers chopés de Nadal quand ils sont en bout de ligne, c’est dans le court à chaque fois et c’est verti­gi­neux), une bataille navale tactique sur les balles de break de Federer, puis de Nadal (service revers ou sur le corps, et quelques fois bing sur le coup droit), et aux moments chauds, des séries de 3, 4, 5 points gagnants des deux côtés avec là encore des défenses du bout du monde qui font lever le public de son siège. Après ça il y a eu du déchet ? Putain, mais heureu­se­ment ! Heureusement que les mecs ratent des trucs pour nous faire juste­ment sortir de cette version du tennis en jeu vidéo qui pollue la tête des téléspectateurs. 

Des statis­tiques de fautes directes inha­bi­tuelles ?

Premier exemple d’imbécillité, la lecture du tennis par les statis­tiques et parmi le flori­lège de données qui ne disent rien sur les clefs d’un match cette statistique‐là des fautes directes (en atten­dant que sortent un jour les stats de balles de break sauvées en 2ème balle après un service kické sur le revers adverse tout en marchant sur son lacet). On l’a déjà répété après Wimbledon : les coups droits et les revers de Nadal et de Federer dans le filet, ce ne sont pas des fautes directes, ce sont des fautes d’immenses cham­pions « poussés à la faute » par 4 attaques de suite. La balle de Nadal « vit » comme aucune autre balle sur le circuit, elle fait mal, elle use et elle vous échappe légè­re­ment de la raquette si vous ne la contrôlez plus « physi­que­ment ». Celle de Federer fait moins mal mais elle vous met dans une situa­tion de crainte perma­nente. Jouez un coup moyen sur son coup droit et pan ça peut être terminé dans deux secondes, même pour un Nadal qui s’est pris son cata­logue de missiles croisés et décroisés pendant 4 heures. Alors que faire ? Eh bien vous allez frapper un peu plus fort pour rallonger votre balle et vous protéger, et merdouille ! quelque fois ça sort. C’est une faute directe, ça, quand ça arrive après trois défenses qui sont arri­vées à dix centi­mètres de la ligne de fond ? Non, et on va encore une fois exagérer, juste pour la péda­gogie de l’exercice : à la vérité Nadal et Federer ne font aucune faute directe, ils font juste les fautes qu’entraîne le surré­gime perma­nent qu’ils s’imposent et se renvoient pendant cinq sets. Parlons d’ailleurs des fameux retours de revers de Federer qui finissent au milieu du filet alors que Nadal vient de servir à 147 km/h. Là aussi répéter ces vitesses de service en s’in­di­gnant, 132 km/h, 147 km/h, ça veut rien dire du tout si l’effet que vous venez de coller dans votre service oblige le mec d’en face à sortir la même qualité tech­nique pour traverser la balle que si vous faisiez le service à 170 km/h. Bien sûr à 170 km/h vous auriez moins le temps de vous orga­niser, mais ça ne change rien à la diffi­culté du geste qu’il faut déclen­cher pour renvoyer un service aussi empoi­sonné que ça. Hewitt a déjà dit que la 2ème balle de Nadal était un enfer à contrôler. Hewitt est un des meilleurs retour­neurs du monde, il doit savoir de quoi il parle, non ? En cela, Federer a les mêmes peines que tous les autres, que ce soit au premier ou au dernier jeu. Ca n’a rien à voir avec des ques­tions de vitesse ou des problèmes de trouille sur des balles de break. La 2ème balle de Nadal est hyper chiante à maitriser. Point à la ligne. Finissons enfin par la décré­di­bi­li­sa­tion totale de cette analyse des matches par les mathé­ma­tiques en rendant compte d’un échange entre un jour­na­liste et Nadal lors de sa confé­rence de presse pour voir que le premier s’arrête à ces statis­tiques qui ne disent rien alors que l’autre a une expli­ca­tion tactique qui dit tout. 

-Y a‑t‐il une expli­ca­tion au fait que votre deuxième service avait l’air d’avoir un petit problème ? 

– Un problème ? Pour quelle raison ? 

– Il semblait plus flot­tant que d’habitude

- Flottant ?

- Vous avez commis quelques doubles fautes

- Des doubles fautes ? Combien ? 

- Quatre

- Quatre en quatre heures et demi, je trouve que c’est pas mauvais. (Silence) Non, non, mais je comprends votre point. Peut‐être ai‐je essayé d’insister sur la zone d’impact de la balle plus que sur sa vitesse, non ? Parce que si Roger touchait la balle avec son coup droit, retour­nait sur une seconde balle, il allait me tuer. Alors j’ai juste essayé de placer la balle sur son revers, donc j’avais peut‐être plus de contrôle en servant avec moins de vitesse. 

Une première balle de Federer qui ne passe pas ?

Et là aussi tout le monde qui répète comme un perro­quet « 36% », « 53% », « 47% » mais personne pour s’interroger sur l’étrange mystère des gens qui se mettent à servir dans le carré d’à côté dès qu’ils rencontrent le retour­neur qu’ils craignent le plus. Roddick qui signe sa quin­zaine d’aces à chaque match et qui se met à descendre à cinq ou six dès qu’il joue contre Federer, c’est étrange ça, non ? Federer qui se balade pendant toute la semaine, avec le menu spécial Cacahouette contre Roddick, et qui n’en met plus une le dimanche quand c’est Nadal, comme c’est bizarre. Serait‐ce là l’œuvre du Malin ou quelque chose de suffi­sam­ment redon­dant pour commencer à se demander s’il n’y a pas égale­ment un peu de psycho­logie tennis­tique là‐dessous. Apolline vous rassure : ce n’est pas unique­ment Roddick qui se met à descendre son pour­cen­tage de premières balles et d’aces quand il joue Federer ce sont tous les joueurs du circuit, tout simple­ment parce que Federer voit bien, voit vite, anti­cipe parfai­te­ment et vous colle donc la pres­sion. Encore une fois, c’est Federer, c’est l’ex numéro 1 mondial, c’est pas le toto du coin. Influence et crainte ration­nelles que fait égale­ment ressentir Nadal, le nouveau numéro 1 mondial, quand on sert contre lui : il va vite, il voit bien, il sera sur la balle, il la remettra. Alors pour éviter ça, vous allez en mettre un petit peu plus à chaque service : un petit peu plus fort, un petit peu plus près des lignes, un petit peu moins d’effet. C’est exac­te­ment ce que Federer expli­quait dans sa confé­rence de presse : « J’ai un service d’un type complè­te­ment diffé­rent de Rafa. Vous savez, lui il fait en sorte d’être sûr de la mettre dedans, moi j’essaye de chasser les lignes, alors forcé­ment j’en rate quelques unes ». Ce que Federer ne dit pas, c’est que ce qui vaut pour lui vaut égale­ment pour Nadal, sous pres­sion au service dès qu’il joue son ennemi préféré et on défiera quiconque de trouver des statis­tiques de vraies premières balles de l’Espagnol (on ne parle pas de ses premières‐deuxièmes) qui trouvent leur cible à tout coup quand c’est le Suisse qui est en face. Enfin ce dernier a eu l’honnêteté de recon­naître que les statis­tiques très basses de premières balles n’empêchent pas de gagner les manches et les matches : « J’ai gagné un set contre Rafa en servant 30% de premiers services. Donc vous savez, je veux dire, c’est faisable. J’ai aussi un excellent deuxième service ». Il reste évident qu’une meilleure régu­la­rité sur première balle aurait ramené un peu plus de points faciles à Federer, mais encore une fois, avec Nadal, les points faciles, ça ne veut rien dire. Et par ailleurs ce n’est pas sur le service de Federer que la partie s’est jouée. 

Un complexe de Nadalite aiguë ?

Passées toutes les expli­ca­tions qui font de ce Roger Federer un joueur emmerdé par les options de jeu très spéci­fiques de Rafael Nadal, les Internautes de WLT bientôt rejoints par des profes­sion­nels sérieux comme Patrick Mouratoglou ou des jour­na­listes encartés comme Philippe Bouin de l’Equipe se plaisent à sortir le dernier lapin de leur chapeau : le fameux complexe. Roger Federer ferait un complexe d’infériorité (ou serait‐ce de supé­rio­rité ?) face à Rafael Nadal. Voilà un argu­ment très inté­res­sant car si on l’analyse bien, il en dit vrai­sem­bla­ble­ment plus sur l’orgueil mal placé des fans de Federer que sur leur cham­pion. Federer est telle­ment génial, il est telle­ment supé­rieur, il est telle­ment quand même le plus grand joueur de tous les temps de la surface de la planète qu’il est celui qui détien­drait seul les clefs de son propre bonheur et malheur. Il serait son unique ennemi, acces­soi­re­ment malchan­ceux d’être le contem­po­rain d’un petit taureau qui l’ef­fraie. McEnroe a raconté aussi ce genre de sottises pendant 25 ans. Il a dit que ce n’était pas Lendl qui avait remporté Roland Garros 1984, que c’était lui McEnroe qui l’avait perdu. Il racon­tait encore ça dans sa biogra­phie il y a 6 ans. Apolline a démontré dans son grand œuvre que tout cela était une foutaise absolue qui arran­geait McEnroe lui‐même puisque cela permet­tait d’entretenir le déni­gre­ment des mérites de son adver­saire. C’était la grande thèse de l’acte manqué : Big Mac avait vu le Graal et il s’était évanoui. C’était telle­ment roman­tique Mais il y a deux ans, McEnroe a retrouvé la mémoire et il a arrêté de nous ballader, il a ouvert ses archives person­nelles : il ne s’était jamais vrai­ment préparé pour Roland Garros. Rideau. 30 ans plus tard, Federer perdrait lui aussi tous ses moyens contre Nadal et pour la même raison : la peur de gagner, la peur de Nadal, la trouille. Bah oui, forcé­ment. La vérité c’est que Federer perd contre Nadal parce que tech­ni­que­ment, tacti­que­ment, physi­que­ment et psycho­lo­gi­que­ment, bref ten‐ni‐sti‐que‐ment Rafael Nadal le met en perma­nence dans les pires dispo­si­tions de jeu pendant cinq sets, lui propose les pires des parades ripostes à chaque coup, l’oblige à ne pouvoir choisir qu’une seule option de jeu quand Federer aime­rait en avoir deux à sa dispo­si­tion pour fixer l’Espagnol et finir l’échange, comme il a l’ha­bi­tude de le faire avec tous les autres joueurs du circuit. Et Nadal fait tout cela en variant formi­da­ble­ment ses zones d’attaques ou de défenses en coup droit, doublant désor­mais sa légen­daire capa­cité de riposte à gauche d’un revers croisé court qui peut vous sortir de 4 mètres à droite, complé­tant encore tout cela d’un jeu de filet sensible et très effi­cace pour finir les rallyes en valeu­reux volleyeur. Pourtant dans ces conditions‐là, piégeuses, cette toile d’araignée dans laquelle il était entrain de s’engluer pendant un set et demi lais­sant penser que s’il conti­nuait à ce train‐là l’affaire serait pliée une heure plus tard en trois sets secs, Federer a commencé à trouver la bonne distance et a sorti un match d’une variété tech­nique, tactique et surtout d’un courage exem­plaire. Apolline avait comme tout le monde raillé son absence d’initiatives et sa peur de se faire trouer au filet face à l’Espagnol, mais cette fois‐ci Roger a insisté et remporté ces fameux points psycho­lo­giques qui font mal, où Nadal tire son passing en bas du filet parce qu’il n’a pas eu le temps de s’organiser. Roger a insisté, insisté et encore insisté, et on défie quelque lecteur de WLT que ce soit de dire qu’à la fin du 3ème set, il n’est pas inti­me­ment persuadé que le Suisse est en train de réussir son coup. Ne l’oubliez jamais, Apolline est Nadalienne. Elle peut vous dire mieux que personne quand elle sent la menace Federer commencer à faire branler la forte­resse Nadal. Elle peut vous dire qu’à la fin de ce 3ème set, au regard des coups de boutoir que Roger assé­nait à Rafa, et à 0–40 sur le service du numéro 1 mondial, elle n’en menait pas large sur les chances de son cham­pion. Mais quand on est un Federien, on ne voit pas ça. On ne voit unique­ment que le plus grand joueur de tous les temps qui bugge sur les balles de break, qui ne passent plus une première, qui n’est plus le Federer de 2004, de 2005, de 2006 selon l’idée fausse qu’on se fait de Federer en 2004, 2005 et 2006. Apolline ne cessera de le répéter. Depuis leur première rencontre, Federer est un mec qui a une équa­tion à 12 incon­nues à résoudre quand il joue Nadal. Quand Apolline sent qu’il est en train de lever 11 des 12 énigmes, elle tremble et qu’on ne se raconte pas d’histoire, Nadal tremble aussi. Mais Rafa est égale­ment une autre sorte de génie avec un ADN très spécial, celui de la balle de break. C’est ce qui restera une de ses grandes marques dans l’histoire du jeu et le tombeau des illu­sions de Federer. Luca Appino nous l’a déjà expliqué : Rafa perd à l’entraînement contre des mecs qu’il bat en tournoi. La diffé­rence est simple, c’est qu’en match ses adver­saires ne jouent jamais les balles de break comme à l’entraînement, Nadal si. Cette finale de l’Open d’Australie 2009, on peut la retourner comme on veut, Federer l’a perdue en lais­sant s’envoler le 3ème set sur ces fameuses balles de break. On ne dit pas d’ailleurs qu’il les a mal jouées, on ne dit même pas qu’il gagnait le match derrière ça, on dit juste que son explo­sion lacrymal sur le podium c’est un rêve qui s’évanouit sur la sensa­tion de ne pas avoir viré en tête au tour­nant du 3ème. Car derrière ça, Federer, très irrité, met une telle énergie pour prendre le 4ème set que cette énergie lui manque dans le 5ème et on est très étonné que personne n’ait remarqué cette chose si évidente qui explique très simple­ment le 6–2 sec et sans bavure : Federer n’a pas « mal joué ce set » comme il le dit, l’air de sous‐entendre que d’habitude il « joue mieux les 5èmes sets », il l’a mal joué parce qu’il était fatigué, c’est tout. Federer était fatigué comme McEnroe fut fatigué. Il était fatigué par tout ce que Nadal venait de l’obliger à faire pour arriver au 5ème set. Ce n’est donc ni un Federer tendu, ni pas tendu, ni complexé dans un sens, ni dans l’autre, qui a perdu, c’est un mec qui a cherché des solu­tions à un problème pendant 4 heures, qui les a souvent trou­vées, qui a raté sa chance au 3ème et qui a explosé au 5ème set. Au final, Federer c’est un mec qui vient de perdre pour la 5ème fois de suite contre un autre mec qui depuis un an est un tout petit peu plus fort que lui. Ce dernier est numéro 1 mondial, vain­queur des trois derniers grands chelems sur quatre, des derniers Jeux Olympiques et de la Coupe Davis (si, si, on y tient !). Il n’y a pas à en appeler aux esprits de la forêt, ni à planter des aiguilles dans une poupée vaudou pour trouver une expli­ca­tion à cela. 

Nadal, un bourrin ?

Un formi­dable manieur de balles, oui ! Plus que ça, une main fede­rienne et on va balancer cette provo­ca­tion qui n’en est pas une pour bien situer de quoi on parle. Le cama­rade Nadal ne fait peut‐être pas d’aussi jolis points ou de volées aussi bien touchées que Fed Ex, mais il y a un signe qui ne trompe pas : dès qu’il est en diffi­culté il a exac­te­ment le même réflexe que Roger : il joue à la main. Bien sûr il met les moyens physiques pour accom­pa­gner son inspi­ra­tion, mais Nadal a un côté « Halleluhia je lâche la main comme si j’étais à l’entraînement » qu’Apolline a repéré… juste­ment à l’entraînement en voyant Rafa faire des trucs inouïs avec sa raquette, ces coups de squash recou­verts en demi‐volée dont il a encore sorti deux exem­plaires en finale. Quand Sampras était allé s’entraîner chez Lendl à l’été 1990, il en était ressorti en racon­tant la même chose, qu’à l’entraînement Lendl sortait des coups abso­lu­ment dingues « à la main ». On peut être sûr que Pete parlait de choses faites en coup droit car l’image une fois de plus robo­tique de bourrin tchèque, perpétré par les jour­na­listes et les fans, empê­chait de voir qu’Ivan jouait son coup droit au poignet avec une faci­lité qu’aucun de ses adver­saires (Borg, Connors, Vilas, Noah, Wilander) n’a jamais atteint. Tiens, pour le paral­lèle et parce que ça va faire réflé­chir tout le monde, Apolline va en sortir une autre bien bonne. Le plus beau coup droit du XXème siècle avec son armé à l’épaule et son poignet qui pivote natu­rel­le­ment, c’est Lendl. Le plus beau coup droit du XXIème siècle, avec son grand lasso qui part au‐dessus de la tête et son effet qui s’échappe de vous, c’est Nadal. Et Apolline vous dit ça en répé­tant ce qu’elle a déjà longue­ment expliqué il y a deux ans : la traversée de l’espace la plus parfaite qui lui était donnée de voir, tout ce qu’il faut faire pour mettre un coup droit là où il doit terminer, c’est évidem­ment Federer qui le signe. Mais ce n’est pas le problème. Ou au contraire ça l’est dans ce que la perfec­tion enlève toujours un peu d’impression sur la rétine. D’ailleurs pour vrai­ment appré­cier le coup droit de Federer, il faut le voir au ralenti. Mais à vitesse normale, ce qui fait une esthé­tique passio­nante, à laquelle on s’at­tache, c’est au contraire la mise en espace d’un inci­dent, et de ce point de vue‐là les coups droits acci­dentés de Lendl et Nadal sont un poème. On rajoute même pour bien préciser notre propos que celui de manchot de McEnroe et celui de bossu de Sampras avec la langue de droma­daire tirée, c’est Notre‐Dame à tous les étages. Enfin on rebondit sur ce que le terme de bourrin a eu l’air de signi­fier pour certains : le tennis entrait dans l’ère de la boxe. Outre le fait que la boxe est un des sports les plus tech­niques du monde et qu’on ne voit pas bien le blas­phème à se faire comparer au Noble Art, tous les grands cham­pions qu’Apolline a rencon­trés pour ses travaux annexes ont unani­me­ment résumé le tennis à du pugilat avec une raquette. Maintenant, comme on a bien compris le message qui se cache derrière, à savoir la prétendue fin des poètes et le tennis comme un cercle de castagne, on va poser cette ques­tion : Tsonga est‐il un bourrin ? Tsonga, quand il a sorti Nadal en trois sets secs en jouant des longues balles bombées sur le coup droit de Nadal, puis des attaques éclairs le long de la ligne sur le revers avec volées amor­ties au cordeau, c’était un match de bourrin qu’il a sorti ? Les gens qui vont avoir à battre Nadal, ils vont essayer de frapper encore plus fort que lui ? Et Nadal lui‐même frappe‐t‐il si fort que ça si souvent dans un échange ? Le temps que chacun réflé­chisse à tout ça, Apolline passe a la ques­tion suivante. 

Nadal, diminué ?

Non, mais vous avez vu la Vierge ! Federer aurait fini épuisé, aurait éclaté en sanglots sur le podium après 5 sets d’une finale de Grand Chelem qui l’aurait opposé à un adver­saire « diminué ». Où et à quelle heure Rafael Nadal a‑t‐il été diminué pendant cette finale ? Est‐ce que vous pensez que Nadal pour­rait battre Federer s’il jouait comme un mec « diminué ». Ah oui ça, selon notre confrère Christian Despont, il avait une tête de zombie le samedi matin en se réveillant de son match contre Verdasco. Sans blague ! On aurait cru le contraire. Mais juste une ques­tion : Et alors ? Qu’est-ce que ça dit sur l’état de Nadal un jour plus tard ? Non, laissez tomber, on continue : il avait aussi une petite gêne sous la jambe ce qui l’a d’ailleurs fait envi­sager de ne pas jouer la finale et l’a même amené à appeler le kiné pour se faire masser. Ah ouais, mince alors. Mais là encore une ques­tion : depuis quand tous ces signes‐là empê­che­raient un Rafa de chez Rafa, une fois qu’il est rentré sur le terrain et qu’il a décidé de jouer, de courir sur toutes le balles comme il l’a toujours fait ? Cinq sets le vendredi, cinq sets le dimanche mais soyons clair, on peut certi­fier que s’il avait encore eu à jouer cinq sets de plus, le Nadalou il était prêt. Bien sûr après ça, on laisse nos lecteurs s’imaginer tout ce qu’ils veulent sur le pour­quoi du comment d’une telle endu­rance, Apolline a déjà écrit il y a 2 ans le grand texte concer­nant le poison de la suspi­cion (« Autopsie des singes savants »). La vérité, c’est qu’en l’absence de toute infor­ma­tion sur ce sujet, Apolline en restera à cette conclu­sion simple : c’est bien un grand Nadal, immense joueur, athlète parfai­te­ment préparé, qui a battu un grand Federer, immense joueur, athlète parfai­te­ment préparé, ce dimanche à Melbourne. 

Et, Federer et les Federiens, c’est ça qui les tue.