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Tsonga envoie Apolline dans les cordes

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Puis la met K.O. Compte‐rendu d’une chute filmée au ralenti sur quatre jours. 

D’abord Apolline tient à s’excuser de sa très légère absence ces dernières semaines. Elle avait un petit combat à conclure avec les déci­deurs de la télé­vi­sion fran­çaise, et comme il semble qu’on n’en soit qu’au sixième round dans une bataille en douze reprises, elle prend ce soir un peu de temps pour s’offrir et vous offrir une petite pause éponge.

Elle a en effet eu la chance pendant ces quatre derniers jours d’assister au show Tsonga à trois mètres de l’action, et elle ne peut que faire savoir sa profonde admi­ra­tion pour un garçon qui, lui, sait finir ses combats dès le premier round, voire le premier direct déli­ca­te­ment déposé sur la pommette de son adversaire. 

Rembobinons le film. Un paral­lèle clichéen a été établi il y a 9 mois pendant l’Open d’Australie entre Jo‐Wilfried Tsonga et Mohamed Ali. Il repo­sait prin­ci­pa­le­ment sur la ressem­blance physique et la morpho­logie des deux cham­pions. Dans un long texte hommage, Apolline avait essayé de trouver une appa­rentée plus légi­time entre les deux spor­tifs. Elle pensait l’avoir trouvé dans le fait que Tsonga venait de signer un exploit unique dans l’histoire du tennis fran­çais, un exploit que seules des étoiles améri­caines comme Ali, Woods ou Sampras avaient signé, ce truc très ricain d’arriver et d’exploser la hiérar­chie au premier coup d’essai, avec un grand sourire aux lèvres. Ni Noah dominé 2000 fois par Borg, McEnroe ou Vilas en début de carrière, Leconte bloqué par Becker ou Edberg, n’étaient parvenu à dominer des meilleurs mondiaux lors d’un dernier carré d’un Grand Chelem. Tsonga lui n’avait pas unique­ment battu Nadal en demi‐finale de Melbourne, il l’avait litté­ra­le­ment soufflé du terrain. 6–2 6–3 6–2. On avait entendu quelques peine‐à‐jouir nous repro­cher d’en faire trop avec huit pages de quasi Hors Série sur cet exploit. On serait vite en mesure, au regard de ce que Nadal était déjà en train de devenir en terme de mons­truo­sité, de pouffer sous cape. Jo était un vrai phéno­mène. Apolline l’avait appelé le Nadal fran­çais, non pas pour son jeu, mais pour ce qu’il allait apporter au tennis fran­çais et mondial. Mais tout ça se passait en Australie. Apolline n’y était pas. Elle n’avait pas encore vu le phéno­mène de ses yeux vus. 

Après quatre jours dans un Bercy en feu, elle a enfin compris le vrai paral­lèle à faire avec Ali : Tsonga joue au tennis comme un boxeur. C’est pas une image, c’est pas un truc pour faire le malin, c’est la réalité visuelle à trois mètres. Ses appuis sont ceux d’un boxeur, son coup droit balancé avec le coude collé au corps a une gueule de jab du droit, et dans sa façon même de mener un point, un jeu et un match, Tsonga a tout d’un Tyson ou pour les plus anciens, d’un Hagler ne cessant d’avancer sur son adver­saire en accep­tant de prendre des coups tant qu’il en met toujours un de plus que son adver­saire. Même son nom, Jo, est un nom de boxeur. On a souvent parlé du tennis comme de la boxe avec une raquette, jamais on aura trouvé avec Tsonga une telle incar­na­tion à la fois tech­nique, physique et mentale de cette image. 

Dans le film de ces quatre jours, chacun retiendra ses moments, les gros points, les smashes en exten­sion, les larmes de la victoire. Apolline, elle, a retenu deux choses : une image et une sensa­tion pugi­lis­tiques qui ne l’ont plus quitté depuis 24 heures. L’image c’est celle de Nalbandian, tout jaune même sur le visage, se présen­tant au moment du toss de la finale en bais­sant la tête face à un Tsonga qui le fixe dans les yeux comme sur un ring. Ça dure trois secondes, une éter­nité qui explique tout le début du match de l’Argentin. Quant à la sensa­tion, elle date du K.O de samedi, de ce combat en deux petits rounds dont on est certain que personne ne repar­lera plus alors que si on le regarde dans les détails, il est propre­ment hallu­ci­nant. Comme Monsieur Nadal, il y a 9 mois, Monsieur James Blake, une des plus grosses centrales nucléaires du circuit, s’est fait litté­ra­le­ment vitri­fier. Eparpillé façon puzzle en un peu plus d’une heure, le Blake. Roué de coups, knock‐down après deux directs du droit dans chaque échange, asphyxié, explo­sant à l’impact. Et on parle de James Blake, pas d’une jouven­celle de M6 boutique, non James Blake, un genre de boxeur lui aussi, un puncheur qui ne recule jamais, un gars qui au moment où il essuyait une avoinée de la part de Paul‐Henri Matthieu en Coupe Davis s’est mis à frapper encore plus fort pour sauver sa peau. Eh bien ce mec‐là, Tsonga lui a égale­ment marché dessus pour lui faire sauter le caisson. 

Apolline peut le dire et encore plus après avoir vu les yeux de Gentleman James se remplir d’incrédulité, puis de déses­poir au début du 2ème set, elle n’a jamais vu de sa vie une telle entre­prise de destruc­tion, jamais vu se dessiner même après un match de Lendl, Connors ou Agassi un tel paysage de dévas­ta­tion, jamais ressenti de toute sa vie ce que voulait dire « souffle » dans l’expression « souffle de l’explosion ». Elle en avait les naseaux qui trem­blaient encore une heure plus tard en rentrant chez elle, vrai­sem­bla­ble­ment dans le même état que le pauvre Blake lui‐même. Et comme des matches de tennis, elle en a vu quelques uns dans sa vie, mais pas tous, elle a rendez‐vous avec Pierre Barthes cette semaine, rien que pour véri­fier un truc fonda­mental. Jo‐Wilfried Tsonga est‐il unique dans l’histoire de ce jeu ou peut‐il trouver un point de compa­raison avec l’impression que lais­sait Lewis Hoad quand il étrillait tout le monde, Laver ou Barthes compris, en rigo­lant ? Se prédestine‐t‐il d’ailleurs à la même carrière de météo­rite que le grand Lew, alter­nant exploits et bles­sures, ennui du circuit ATP et exal­ta­tion pour les grands rendez‐vous ? 

Quoi qu’il en soit, Apolline vous dit ceci et vu le propos, vous serez obligé de la croire. Depuis deux ans, elle écrit prin­ci­pa­le­ment sur Federer et Nadal, souvent pour atta­quer l’un, souvent pour défendre l’autre, avec une ligne qui n’a cessé de démon­trer sa cohé­rence au regard de l’évolution du duel et des forces en présence. Ces deux‐là, elle les connaît par cœur et il est d’ailleurs ironique qu’aucun des lecteurs de Welovetennis si prompts à lui repro­cher ses partie‐pris n’aient reconnu le style de celle qui a vrai­ment rédigé le dossier les concer­nant. Pour eux donc, elle demande l’accréditation et se déplace, pour eux elle a et aura toujours un mot même s’ils déve­loppent une ressem­blance dans le pilo­tage du point depuis le fond du court qui n’a jamais été et ne sera jamais la tasse de thé d’Apolline.

Mais pour Tsonga, Apolline paye son billet. Elle paye très cher, elle achète au noir, elle met le prix maximum, parce que Jo‐Wilfried est tout ce qu’un spec­ta­teur peut attendre d’un joueur pour aimer ce jeu. Et n’oubliez jamais que ce spec­ta­teur peut avoir 6 ans et qu’il se mettra à jouer comme son idole après l’avoir vu prati­quer ce tennis‐là. On le souhaite car Tsonga nous ramène à ce truc qui nous manquait terri­ble­ment depuis 10 ans, un mec qui se rue au filet sur la première occa­sion, qui a un jeu de volée qui tient la route, qui accepte donc de monter en chaus­settes et parfois même de se faire passer tant que ça tient l’adversaire sous pres­sion. Apolline vous parlait de deux images qui ne s’effaceront jamais, il y en aura en fait une troi­sième. Avant de servir son ace sur la balle de match contre Djokovic, Tsonga joue une première fois le point en servant un pétard tson­guien suivi d’une volée de coup droit croisée, tirée du dessous du filet. Cette volée est extra‐terrestre. On n’en voit qu’une seule compa­rable, une demi‐volée de revers de McEnroe contre Connors en 1984. Une comète traver­sant le terrain devant un Jimbo médusé. Mais celle‐là avait compté. Celle de Tsonga était jouée après une annonce faute de son service. On en restait pour­tant la bouche ouverte. 

K.O debout.