Il l’avait annoncé. Cette saison, Novak Djokovic fait de Roland Garros sa priorité. Après avoir remporté l’Open d’Australie, le Serbe peut réaliser le Grand Chelem sur deux ans, en s’imposant dans les quatre tournois d’affilée. Un exploit retentissant sur la planète tennis. Novak ne peut pas passer à côté et, ce, pour trois raisons.
Pour Vladimir
Cette quête de Roland Garros a soudainement pris une valeur émotionnelle encore plus forte. Si Novak Djokovic soulève le trophée le 10 juin prochain, sûr que ses premières pensées iront pour son grand‐père, décédé un certain jeudi du mois d’avril. Ce jour‐là, Novak doit affronter Alexandr Dolgopolov en huitièmes de finale, à Monte Carlo. L’entraînement matinal tourne au cauchemar. Un officiel sur le terrain. Quelques mots échangés. Et le Serbe qui quitte le court en larmes. Une heure plus tard, la nouvelle tombe. Le numéro un mondial vient de perdre son grand‐père, Vladimir. « C’est vraiment dur, on était très proches mon grand‐père et moi », réagit‐il plus tard. « Mais je me dis qu’il est avec moi, que son esprit est resté parmi nous. » Malgré ce coup de massue, Nole reste sur le Rocher. S’ensuivent trois victoires, contre Dolgopolov, Haase et Berdych. Mais l’esprit est ailleurs et le tennis a soudain beaucoup moins de saveur. Sa force mentale, qui l’a aidé à tenir durant ces matches, le quitte à l’heure du combat de boxe, à l’heure de Rafael Nadal. Vidé psychologiquement, il passe à côté de sa finale. 6–3 6–1, la lutte n’a pas lieu, Rafa plie l’affaire en un peu plus d’une heure. « Je n’étais juste pas là aujourd’hui. J’ai eu une semaine très difficile. » Repos. Prolongé, puisque Djoko décide de ne pas s’aligner à Belgrade, le 30 avril. « C’est la décision la plus compliquée de ma carrière, mais il m’est impossible de jouer dans les prochains jours et de penser au tennis. » Mais le numéro un mondial reprend du service à Madrid. Car, fin mai, il faudra arriver affûté sur la terre de Roland pour pouvoir honorer d’un trophée la mémoire d’un certain Vladimir…
Pour faire taire Federer
Vendredi 3 juin 2011. Son 18ème ace envoie Roger Federer en finale de Roland Garros et crucifie Novak Djokovic sur la terre parisienne. Le Serbe essuie sa première défaite de la saison. Quant au Suisse, il laisse éclater sa joie. Un cri de rage. Un index pointé vers le ciel. Un doigt qui s’agite et qui nargue. Et un sourire en coin. Comme un défi lancé et le soufflet du roi remettant à sa place un arrogant courtisan. Comme si Federer ne supportait plus l’insolente réussite de Djoko. Une attitude très rare chez Roger, à qui, généralement, le jeu suffit pour envoyer des signes et le dispense de mots ou d’actes. Cette gestuelle surprend et vient enterrer la vague de succès serbe sur ce Court Central. Les records sont la propriété du Suisse. Celui de John McEnroe, avec son meilleur début de saison de l’histoire et ses 42 victoires consécutives en 1984, doit rester au vestiaire. Quelques jours auparavant, Roger, interrogé sur les succès de Novak, avait répondu : « Rafa a gagné neuf Grands Chelems, moi, 16. Lui, deux. » Simple, sobre et efficace. Mais le sous‐entendu est lourd. Y aurait‐il de l’animosité dans l’air ? Et si Roger ne supportait plus de passer au second plan, quand Novak récolte toute la lumière en 2011… Le doigt qui nargue, le cri rageur, qui rappelle le jeu d’acteur de Djokovic lui‐même et ses différentes manifestations. Un jeu d’acteur… Ce que lui reprochait Federer dès 2006, lors d’une rencontre en Coupe Davis : des appels au kiné intempestifs relevant, selon lui, de la pure comédie… La mise au point du professeur ce 3 juin 2011 a dû marquer Novak. Il s’en souvient très bien et se ferait un plaisir de faire déjouer, à son tour, le Suisse Porte d’Auteuil. Dans cette quête de Roland, la vengeance apparaît comme un passage obligé et un plat qui se mange froid. Histoire d’asseoir un peu plus cette place de numéro un mondial. Histoire de faire passer le message. « Roger n’est plus le numéro un. Désormais, c’est moi qui reprends le flambeau et qui m’en vais vers les records. » What else ?
Pour entrer dans l’histoire
« Je suis un bon candidat pour remporter tous les tournois du Grand Chelem. Cette année, je veux gagner Roland Garros. » Djokovic veut réaliser le Grand Chelem, tout du moins sur deux ans. Performance sacrée dans le tennis. Un événement qui n’est plus arrivé depuis l’exploit de Rod Laver. Et, encore, Laver avait, lui, remporté les quatre couronnes durant la même saison. C’était en 1969. En s’imposant à l’Open d’Australie, en janvier de cette année, Nole a déjà rejoint l’Australien, Sampras, Federer et Nadal dans le cercle très fermé des joueurs ayant glané trois tournois du Grand Chelem d’affilée. Il n’en reste désormais plus qu’un pour boucler la boucle. Et, ainsi, faire mieux que Sampras, Federer et Nadal, qui, pourtant, n’ont pas été loin de réaliser cet exploit. Maudit Roland, doit se dire Pistol Pete, qui se trouvait, entre 93 et 94, dans la même situation que Djoko. Mais Courier l’a stoppé dans sa course aux étoiles en le battant en quarts, à Paris. C’est à ce même stade de la compétition que Rafa échoue à Melbourne face à Ferrer, en 2011. Là aussi, à deux marches du fameux Grand Chelem, après avoir triomphé à Roland, Wimbledon et l’US Open, en 2010. Finalement, le plus proche à avoir effleuré cet exploit n’est autre que Roger et, ce, par deux fois. En 2006 et 2007. Le Suisse se présente à Roland Garros avec déjà trois Majeurs dans la poche. Une seule victoire manquera, une seule, voyant Roger échouer en finale face à l’ogre Nadal. Si Novak Djokovic remportait Roland Garros, cette saison, il réaliserait une performance incroyable. Les superlatifs finiraient par manquer, comme ça avait été le cas pour décrire la finale de Melbourne.
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- Le livre « Grand Chelem, mon amour » est disponible. Retrouvez les 40 matches de légendes de la décennie 2001–2011. Un livre de la rédaction de GrandChelem/Welovetennis.
Publié le jeudi 24 mai 2012 à 19:50