La finale de Roland Garros s’est conclut en début d’après‐midi sur le succès de Rafael Nadal. Le titre de l’Espagnol révèle une performance formidable. Cette ultime rencontre de ce tournoi 2012 pourra, elle, rester cachée dans les années qui viennent et se trouver un petit carton discret au fin fond d’une armoire : c’est le sort de l’échec.
La foule se tait peu à peu – le tennis demeure l’un des seuls sports où le silence se fait à l’orée des échanges, comme les souffles se retiennent aux premières notes jouées par un orchestre. Novak Djokovic se concentre. Sa balle s’élève dans les cieux du court central. Son geste est lancé… Il la frappe. Et la voilà qui sort, imprécise, mal dosée. Double faute. Jeu, set et match. Rafael Nadal reste incrédule un quart de seconde, avant de se retourner vers son clan et tomber sur les genoux. Double faute. En tribune de presse, l’étonnement. Est‐ce déjà arrivé qu’une finale de Grand Chelem se conclut de telle manière ? Un collègue photographe nous raconte, un peu plus tard, qu’il n’a pris aucune photo de la balle de match, gêné par un voisin et pris de court par ce scénario improbable. Double faute. Novak lui‐même semble ne pas y croire, dodeline de la tête en avançant vers le filet, alors que son adversaire fête un septième titre… « spécial ».
Double faute. A l’image de cette fin de semaine, un week‐end de finale, un week‐end d’histoire. Deux jours, deux fautes. La première dès l’entame de jeu ; cette incapacité à avancer l’un des matches les plus importants de l’année, de manière à ce qu’il se termine le jour même et rattrape un tournoi un peu fade. Mais l’erreur bel et bien faite, les deux joueurs sont contraints de jouer sous la pluie. Et le public de sortir ponchos – 15€ à la boutique – et parapluies. L’on essaie de nous faire croire que tout va pour le mieux : « Rafael ne voulait plus continuer et Novak nous disait que le court était trop glissant. […] Nous n’aurions disposé que d’une demi‐heure de conditions décentes pour jouer, ce n’était pas la peine. » Novak Djokovic, tout à l’heure, sans le savoir, a contredit ces mots de Monsieur Ysern : « Moi, je trouvais qu’on pouvait jouer à 20 heures, hier, il ne pleuvait plus. Mais ils ont décidé d’arrêter, parce que le court était en trop mauvais état. » La faute réside ici aussi, dans cette incapacité patente à reconnaître ses erreurs, à chercher des solutions vraiment adaptées et pas seulement politiques. Mais il paraît tellement plus confortable de demeurer vautré dans ses propres privilèges, plutôt que de remettre un système en question dans une logique de résultats et de compétition.
Contradiction, quand tu nous tiens…
Cette double faute trouve son point final dans le simulacre offert en début d’après-midi à un public pourtant présent et bien déterminé à réchauffer l’atmosphère. Le match qui reprend sous la pluie, dans des conditions similaires à la deuxième interruption hier. Djokovic qui se plaint d’avoir de l’eau dans les mirettes. Jusqu’à ce que les deux joueurs décident de stopper la rencontre pour quelques minutes… avant que le soleil n’arrive, comme si de rien n’était. Malheureusement, le mal était bien fait. Et s’il n’y a eu aucun énervement à l’issue de la rencontre – c’est à l’honneur de ces deux grands champions –, la frustration était bien là, sur le court, d’hier à aujourd’hui, d’un Nadal fâché comme rarement, d’un Toni enragé, d’un Djoko qui explose son banc et qui nous gratifie d’une mini‐Youzhny, en se frappant la tête avec sa raquette à trois reprises. Le niveau de jeu s’en est évidemment ressenti. Assez intéressant dans une troisième manche surprenante, il s’est montré, dans l’ensemble, plutôt pauvre. Pauvre en variations, pauvre en géométrie. 82 fautes directes dont 53 à Djokovic. Un Nadal qui s’est choisi, vues les circonstances, une stratégie uniquement défensive. Et un suspens en lequel on croyait… tué dans l’os. Ou dans la flaque.
Roland Garros, une nouvelle fois, se fait le parent pauvre des tournois du Grand Chelem. L’on avait l’occasion de vivre un petit bout d’histoire avec un maximum d’intensité, quel que soit le vainqueur – et Djokovic nous l’a montré dans la troisième des manches. Au final, on a bien peu de choses – ah si, j’oublie, un rhume un peu sévère. La faute à pas d’bol, certes… Mais aussi à l’organisation, c’est indéniable. D’ailleurs, le pétard mouillé a failli se liquéfier au moment de l’hymne espagnol – le CD devait être rayé. Mais, finalement, une double‐faute est conclusion relativement logique à une petite finale. Voire un petit tournoi. « Out ! »
Votre envoyé spécial, à Roland Garros.
Publié le lundi 11 juin 2012 à 20:23