Notre rétro de l’année 2011 à WLT/GrandChelem, c’est un panorama de nos coups de cœur, mais aussi de nos coups de blues. Les différents membres de la Rédaction ont aimé et moins aimé des choses, cette année.
Difficile de ne pas décerner de lauriers à Marion Bartoli pour l’ensemble de son œuvre en 2011, d’autant qu’il semble que sa demi‐finale à Roland Garros lui ait enfin permis de toucher le cœur de ses compatriotes.
Marion Bartoli est une fille pleine de paradoxes, mais elle ne peut vous laisser insensible. Ses conférences de presse sont toujours animées et cette Corse affirmée ne rate jamais l’occasion de placer un bon mot ou de remettre dans le droit chemin un journaliste mal informé. Malgré des performances constantes et un jeu plutôt spectaculaire, Marion n’a, hélas, jamais eu la place qu’elle mérite au sein du cirque médiatique. Et si, en 2011, il y a eu certaines éclaircies, il semble bien que le monde du tennis lui en voudra toujours. Lui en voudra à cause de son jeu de mime ou de shadow avant chaque frappe, à ses nombreux tics avant de servir, ou encore à son physique qui ne serait pas dans les normes définies par des spécialistes de la bonne chaire.
Et, pourtant, ce qu’a réalisé Marion, cette année, est tout simplement remarquable. D’abord à Indian Wells où elle a su hausser une fois de plus son niveau de jeu ; puis à Roland Garros pour une épopée rafraichissante. Rafraichissante pour nous, observateurs passionnés, douche froide pour certains confrères préférant ad vitam eternam les histoires parisiennes, celles qui sentent bon la formation dans un grand club de la capitale, celles où l’on tutoie le coach. Rien de tout cela chez les Bartoli, le clan a décidé d’imposer son timing, son calendrier et il s’y tient. Regards noirs, techniques avant‐gardistes, les Bartoli sont toujours sur la défensive dans un monde hostile où ils ont compris qu’au final, seuls les résultats comptent. Quelques fois, cela pousse au crime, à quelques voyages exotiques pour prendre des points, mais aussi un peu de cash, le tout avec un sourire en coin, fiers de leur œuvre et en position de force depuis que le tennis féminin tricolore est porté par le néant.
Alors on peut continuer à critiquer son jeu à deux mains, son poing serré en permanence et une certaine arrogance, force est de constater, comme elle le dit si bien, que Marion a un QI beaucoup plus élevé que la moyenne. Et la moyenne sur le circuit, il faut juste savoir la situer, la situer entre des bébés venus de l’est et quelques vestiges d’un tennis à l’occidental. Top 10, arrachant une victoire de prestige face à Serena pour son retour à Wimbledon, Marion Bartoli a atteint un nouveau stade, acquérant une nouvelle aura. Cela devrait peut‐être lui permettre de parvenir à accrocher son Graal et, surtout, de faire taire définitivement les sarcasmes de spécialistes fainéants.
Car si Marion en est arrivée là, elle le doit à une vie de moine, ou plutôt de bonne sœur, une vie faite d’expérimentations avec un papa coach, mais aussi autodidacte. Peu ou pas de formation tennistique, peu ou pas de budget, peu ou pas de soutien fédéral, peu importe après tout, car la machine corse s’huile dans les rouages de l’adversité. C’est ce combat permanent, cette envie de prouver qui reste le moteur d’une fille élevée à la dur et qui ne rêve que d’une chose : prendre la parole à l’issue d’une grande finale victorieuse. Alors, dans un Anglais impeccable, elle racontera sûrement sa vérité et il y en aura qui en prendront pour leur grade. Pas un règlement de compte, simplement l’idée simple que, dans le sport et dans le tennis, comme nulle part ailleurs, on peut aller très loin à force de répétitions, de sacrifices, de travail et de compétences. Tout le contraire de cette idée tellement fausse et tellement galvaudée du talent inné, de la pureté du geste, mais aussi du moral en chaussette. Car chez les Bartoli, parias du 2, avenue Gordon Bennet, on a choisi de vivre, définitivement, sans l’idée du regret, sans l’idée du confort et mon petit doigt me dit qu’à un moment donné, cela devrait payer. Et que les bourgeois du tennis retourneront alors leur veste pour fêter dignement leur nouvelle championne.
L’un des matches les plus accomplis de Marion cette saison, gagné 6–4 7–6[4] en quarts de finale à Indian Wells face à Ana Ivanovic :
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Publié le lundi 26 décembre 2011 à 12:20