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Quand Medvedev pêche un gros poisson, Fish, lui, verse quelques larmes… comme Djokovic

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Nous vous propo­sons l’édito du numéro 78 de We Love Tennis Magazine qui est une réflexion sur la « peur ».

Il n’y a pas vrai­ment de lien entre le docu­men­taire de Netflix sur Mardy Fish et la pêche que nous a offerte Daniil Medvedev, sauf à comprendre qu’il peut arriver que l’âme prenne le pas sur l’esprit, que l’enjeu dépasse l’événement et que la volonté l’emporte sur le passé. La finale que nous a proposée Daniil Medvedev est symbo­lique à plus d’un titre, car le joueur russe l’attendait plutôt que de la craindre, il la voulait plus que tout après deux échecs à ce stade en Grand Chelem. Alors il a posé son jeu, il a évité de regarder son adver­saire, le public, il est devenu sourd aux cris de la foule. En face, comme téta­nisé par l’Histoire qui lui tendait les bras, le numéro un mondial est rentré dans la fameuse spirale des idées noires, du trouble, du geste imprécis.

Ce qu’a vécu Novak est fina­le­ment assez semblable à la crise d’anxiété évoquée par Mardy Fish dans son docu­men­taire, inca­pable de rentrer sur le court face à Roger Federer à l’US Open 2012 alors que c’était ce qu’il dési­rait le plus au monde depuis sa tendre jeunesse. Comme l’explique le joueur améri­cain dans ce « film » poignant, il n’est jamais bon dans le sport de haut niveau de parler de ses faiblesses et de ses peurs. Pour certains spécia­listes, cela consiste à donner des clés à ses futurs adver­saires, à se mettre à nu alors que les codes de la viri­lité tennis­tique ne le permettent pas.

Il y a donc dans la défaite de Novak quelque chose qui nous rassure. On a beau être un roc, un combat­tant extra­or­di­naire, on peut être rattrapé par la peur. On a beau maîtriser ses émotions, faire de la médi­ta­tion et avoir préparé son duel comme jamais, les circons­tances de l’affrontement peuvent d’un seul coup vous rendre vulnérable.

Car si le tennis est avant tout une partie contre soi‐même, c’est aussi un duel contre son adver­saire. C’est ce qui fait son charme et sa parti­cu­la­rité. On est seul, mais accom­pagné. Il ne suffit ni de courir ni de fran­chir une barre, il faut trouver les solu­tions et combattre.

Ce dimanche 12 septembre 2021, Novak était fina­le­ment prêt à tout, mais pas à l’essentiel. Daniil, lui, ne rêvait que de deux choses : lancer quelques appâts et attirer le requin dans son filet pour l’asphyxier. Fini les dents de la mer, cette bête sangui­naire sans cœur, place au silence de la carpe ou au bruit du saumon qui remonte la rivière. Peu importe en fin de compte, l’oxygène était russe ce soir‐là à New York. Daniil pouvait logi­que­ment se jeter au sol, éreinté, alors que Nole cher­chait encore de l’air…