Roger, notre amour

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En exclu­si­vité pour vous, les fidèles lecteurs de Welovetennis.fr, voici l’un des textes des 3 pages que l’on consacre à Roger Federer dans notre GrandChelem numéro 29 qui sera dispo­nible dans notre réseau de 800 points, dès mercredi. 

Comment expli­quer la popu­la­rité inégalée du joueur suisse, au‐delà de son palmarès excep­tionnel et des exploits tennis­tiques. Voilà le défi auquel GrandChelem s’est attelé après ce 17ème titre, sûre­ment pas le dernier. Roger Federer est unique, en tout point, au moins six, selon nous, qui créent ce lien indi­cible entre les amou­reux de la petite balle jaune et le plus grand joueur de tous les temps.

Suisse, mais beau­coup plus que ça
Genève est l’une des villes au monde où coexistent le plus de natio­na­lités au m². Si Roger est Bâlois, sa natio­na­lité suisse lui donne un label beau­coup moins marqué qu’un Andy Murray Ecossais, qu’un Connors, « born in the USA » ou qu’un Ice Borg 100% nordique. Roger Federer est un citoyen du monde, avant tout, et qui parle cinq langues. Ce petit point de détail fait clai­re­ment la diffé­rence. Il le rend plus proche de nous tous, Français, Espagnols, anglo­phones. Toutes ses perfor­mances sont contées de sa bouche, par nos mots, nos into­na­tions et ses quelques erreurs le rendent encore plus authen­tique. Roger le sait et son profes­sion­na­lisme dans ce domaine n’est pas marke­ting. Il incarne l’idée du cham­pion inter­na­tional s’adres­sant aux siens dans toutes les langues. Avant lui, Kennedy l’avait compris à Berlin… 

Amoureux du jeu, par‐dessus tout
Quand Roger explique qu’il veut aller à Rio de Janeiro dans quatre ans, les moins férus pouffent de rire, y voient un stakha­no­visme forcené et presque une plai­san­terie. Ils oublient trop vite la célèbre phrase du nouveau numéro un, cette décla­ra­tion qui guide son choix, sa profes­sion de foi : « Personne n’aime le tennis plus que moi. » Les faits parlent d’eux-mêmes. Roger, s’il avait écouté quelque Cassandre et mauvais augure, aurait déjà rangé sa raquette et parcour­rait le monde comme ambas­sa­deur des diverses marques qui s’ap­puient sur son image. Or, Federer a le tennis dans le sang, c’est sa raison de vivre, c’est son chemin et c’est son choix : il ne s’arrêtera que lorsque ses genoux auront décidé de plier et qu’il ne pourra plus marcher.

Porte‐drapeau de la varia­tion, contre force et monotonie

Le tennis est un sport en trois dimen­sions, fait de trajec­toires, de prises de terrain, d’au­dace et de chan­ge­ments de rythme. Cette palette, Roger, parmi les meilleurs joueurs du monde, est le seul à la maîtriser dans son immense diver­sité. Chaque rencontre du Suisse est une petite inven­tion liée à son état physique et aux condi­tions de jeu. Cet atout, il est aussi lié à ce formi­dable revers une main qu’il est le seul à prati­quer au sein du top 10. Dès lors, libre d’une main, il peut garder constam­ment la tête face au jeu, rester droit et trouver cet équi­libre dans l’es­pace, qui lui donne un côté aérien, loin du sol, esthé­tique, inégalé et inégalable.

Professeur et modèle, une icône

Joueurs de tennis, on a tous eu un profes­seur de tennis. Le profes­seur, c’est celui qu’on veut imiter, celui à qui l’on veut ressem­bler. Celui qu’on écoute et qu’on observe, surtout quand on est en période d’ap­pren­tis­sage. Roger, c’est lui, ce profes­seur dont la tech­nique nous parle juste en la regar­dant. La flui­dité, la stature, la préci­sion et la douceur. La gifle, le toucher, l’ex­plo­sion, la prise de déci­sion. Le coup qui fait mal, le point gagnant. Roger ne gagne pas du terrain, il cherche l’es­pace et c’est la vraie diffé­rence avec ses rivaux du moment.

Le calme, la séré­nité, le bonheur

Tout le monde le sait : jeune, Roger Federer cassait des raquettes et pétait souvent les plombs. Si cette image du joueur de tennis a produit ses effets, au vu de la popu­la­rité de John McEnroe, par exemple, arché­type de l’élément pertur­ba­teur, on aspire tous, au fond de nous, à des moments de calme, à ce doux désir de maîtriser les éléments, comme de nous laisser bercer. En un mot, avoir la main sur sa vie et son exis­tence ou l’assurance de ce qu’elle est et du lieu où elle va nous mener. En choi­sis­sant de ne rien montrer, de rester stoïque, concentré, Roger confirme que nous pouvons tous atteindre certains objec­tifs élevés en gardant une ligne de conduite, en restant fidèle à sa rigueur person­nelle. Que montrer une faille, dans un sport aussi concur­ren­tiel que le tennis, c’est se mettre en danger auto­ma­ti­que­ment et prendre le risque de gâcher des heures et des heures de travail à l’en­traî­ne­ment. Mais ça ne veut pas dire que, passé le moment du combat, il faille rester dans une bulle et ne pas jouir de ses perfor­mances. Dans ce domaine, tout le monde vous le dira, Federer est un véri­table expert, un chauf­feur de salle, un anima­teur sans égal. 

Une femme, son pilier

L’histoire d’un homme est aussi celle de sa femme, et vice‐versa. Chez Roger, c’est la constance qui prime, c’est le foyer qui est au centre du projet. Et Mirka, décrite comme la maîtresse‐femme, bien loin des pinups aux Ray Bans miroirs, est peut‐être ce qui est arrivé de mieux au Suisse. Il y avait quelque chose de char­mant, de simple et de frais à voir les jumelles applaudir leur papa, ce dimanche, sur le Central de Wimbledon. Quelque chose qui ressem­blait à cette idée toute simple : on peut être une star immense et avoir une vie de famille, clas­sique, portée par la fidé­lité à un modèle de norma­lité et d’une certaine forme de simpli­cité. Il est d’ailleurs assez drôle que le destin lui ait confié deux jumelles… Ce joyeux et naturel luron sait qu’il aura six paires d’yeux fémi­nins posés sur lui jusqu’à la fin de sa vie, qui véri­fie­ront s’il se tient à carreaux. C’est peut‐être là, la vraie clé de son succès : oublier sa totale mascu­li­nité pour basculer, de temps en temps, dans la grâce du geste parfait, la grâce de la matu­rité, la grâce du père, tout simplement.