Lors d’une fin de troisième set dantesque, Gilles Simon a fait plier le Suisse, très déçu. Le Français confirme son statut, son punch, sa science, et aussi un mental exceptionnel.
3–2 0–40 sur le service de Federer, Gilles Simon a décidé d’appuyer sur l’accélérateur dans ce troisième set. Les deux hommes se rendent coups pour coups et Roger comme d’habitude retrouve sa première balle, son coup droit magnifique. Il enchaîne également des chips and charge, revient, boucle le jeu (3−3), et agresse tout de suite Gilles sur sa remise en jeu. Le Français est acculé, semble perdre pied, et encaisse lui aussi 3 points d’affilée (3−3 0–40). Gilles imite le Suisse et revient à la force du « poignet » et avec son talent. Il mène 4 à 3, et rugit de plus belle. Roger semble agacé, recule un peu, et entame son jeu par un retour à plat dans la figure, Gilles breake 5–3, il est à quatre points du Graal. Là, il ne fléchit pas, finit un point à la volée, et clôt les débats sur un ace. On est estomaqué, ce mec à un truc, vraiment.
« J’ai eu du mal en début de match, j’étais crispé » analysait le Français à la sortie du court. Il est vrai que deux heures auparavant il a fallu attendre trois jeux pour se régler l’épaule, le dos, le coup droit et le revers et Roger Federer a voulu annoncer par un break précoce sur le service de Gilles Simon qu’il faudrait bien compter sur lui pour ces Masters 2008. Au‐delà d’un premier set tranquillement mené une fois l’écart creusé, ce sont surtout les variations du Suisse qui ont rassuré ses fans. Revers chopés cotonneux ou vertigineusement rasants dès les premiers points, attaques fulgurantes de coup droit le long de la ligne, les changements de fréquence permanent de Roger ont dans un premier temps terriblement ennuyé un Simon qui se présentait pourtant comme le maître de l’arythmie respiratoire. Vigilant mais sans forcer, Federer montait en pression au fil des services, s’aventurant au filet, pas toujours d’ailleurs avec bonheur, mais lorsque l’attaque était convaincante, l’affaire était classée avant même d’atteindre le carré de service. On pouvait de toute façon penser que les réglages federiens allaient venir au fil du match. Le numéro 2 mondial clôturait le 1er set sur son ace traditionnel (6−4).
Pris à son propre piège, Gilles Simon, l’invité de dernière heure, tentait alors de se montrer plus entreprenant en début de 2ème set, en mettant un peu plus dans chaque impact, lâchant son coup droit décroisé pour neutraliser Federer sur le revers. C’était la bonne tactique, mais elle ne préservait pas le Français d’être sous pression permanente sur son propre service. Simon se faisait encore breaker à 1 partout. Un set plus break d’entrée, cela valait bien pour le Suisse de lâcher son premier revers le long de ligne, le signe de la confiance dans son jeu. C’est pourtant quand il s’emballait un peu que le Bâlois était immédiatement contré par le numéro 2 français, encore un peu plus puncheur. Deux grosses fautes directes, et le Suisse se compliquait l’affaire. La bataille était enfin engagée. Le niveau de jeu montait en conséquence et Federer revenait faire un tour à l’intérieur du terrain pour balancer ses ogives décroisées. Mais toujours soumis à des pannes étonnantes à la volée (cette volée de coup droit, son coup le plus faible techniquement), il laissait Simon tourner en tête au septième jeu (4−3). Le huitième valait très cher, via un tunnel de balles de break pour Simon et de sauvetages à l’arrache du Suisse qui lui permettait de rester accrocher au wagon.
C’était l’heure pour Simon de casser le cocon avec deux montées qui enthousiasmaient le public de Shanghai, l’une à contre‐temps pour venir boucler une série de revers chopés federiens à la limite de la chambre (Federer avait sorti la même à Youzhny il y a quelques années), l’autre après service pour maintenir l’écart par une volée de coup droit croisée somptueuse : 5–4. Mais que dire de la balle de set que s’offrait le Français dans la foulée ? Un bijou de point, indescriptible en l’état, sauf pour dire que le Français s’était arraché au quatre coins du terrain pour poser une dernière volée de revers hors de porté de son adversaire. Un point à rugir, ce que faisait Simon pour dire qu’il était bel et bien là.
Et puis il y eu donc cette fin de troisième set où le Tricolore prouvait une nouvelle fois sa science du jeu : « J’ai été vexé d’entendre que je n’avais pas de coups forts » déclarait le Français au micro de Canal Plus quelques secondes auparavant c’est par un ace au centre qu’il avait signé son exploit.
Publié le lundi 10 novembre 2008 à 14:03