Vainqueur des Petits As en 1997, Julien Maigret est l’un des frères d’une fratrie tennis devenue « addict » au padel. Il nous raconte son parcours et l’évolution du padel. Entretien.
Julien, comment passe‐t‐on de vainqueur des Petits As à l’un des meilleurs joueurs français de padel (14e au classement d’avril) ?
Quand on a fait presque 25 ans de compétition, plus ou moins à haut niveau, il y a une certaine lassitude qui s’installe, alors qu’au padel c’est plus convivial. J’ai toujours joué avec mon petit frère ou des amis. L’état d’esprit correspond plus à ce que je recherche, à savoir moins de compétition et de volonté absolue de gagner. Si on gagne, tant mieux, c’est la cerise sur le gâteau, mais ce n’est pas la priorité. Si je me suis mis au padel, c’est par amour de ce sport et pour passer des moments sympathiques.
Jusqu’à quel âge avez‐vous évolué sur le circuit professionnel de tennis ?
J’ai surtout eu de très bons résultats chez les jeunes jusqu’à 17⁄18 ans lorsque j’étais à la Fédération française de tennis. J’ai fait tous les Grands Chelems juniors. À 18 ans, je n’étais plus à la « Fédé », alors je suis parti seul sur le circuit, avec certains avantages et les inconvénients financiers que cela représente. J’ai gagné un Future 10 000 à Aix‐en‐Provence en 2001. À 19 ans, je suis monté assez vite aux alentours de la 500e place mondiale (557e comme meilleur classement). J’ai eu du mal à passer un certain cap pendant un an, un an et demi. J’ai continué jusqu’à 22⁄23 ans, mais c’était très dur de m’y retrouver financièrement. À 23 ans, j’ai décidé de participer à des tournois français où je pouvais gagner un peu plus d’argent.
Finalement, comment et quand avez‐vous découvert le padel ?
C’est grâce à un ami, Sébastien Ruiz de Conejo, qui pratique le padel depuis une dizaine d’années, lors de l’ouverture d’une nouvelle structure à Bois‑d’Arcy dans les Yvelines fin 2015, le Padel Club. Il cherchait des partenaires pour jouer et comme on venait du tennis, il s’est dit qu’il allait essayer de nous initier. Mon petit frère, Adrien, qui avait démarré quelques mois avant, m’avait aussi demandé de faire le quatrième. J’ai très vite accroché ! On avait des qualités et des défauts, car au départ on jouait « très tennis » avec que des volées, très peu de défense, sans rien laisser passer. Avec le temps, on a appris, on a gagné, perdu, et on s’est rendu compte que jouer trop tennis allait nous servir d’un côté, mais pouvait aussi nous desservir.
Quelle place le tennis occupe‐t‐il encore chez vous ?
Je suis responsable sportif d’un club à Beynes (dans les Yvelines). J’enseigne le tennis, mais je n’y joue plus du tout. J’aime toujours ce sport, mais je l’aime comme enseignant. Cela ne me viendrait pas à l’idée de m’inscrire à un tournoi. Tout ça est derrière moi.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le padel ?
J’ai beaucoup accroché grâce au Padel Club de Bois‑d’Arcy où il y a une excellente ambiance. C’est essentiel car après une partie, on reste pour boire un coup entre potes et passer un bon moment. La convivialité hors du terrain est déterminante et malheureusement, elle se ressent de moins en moins dans les petits et moyens clubs de tennis. Il y a également la convivialité sur le court, car on est deux. Au tennis, on a toujours été habitué à ne penser qu’à nous, à résonner par rapport à soi‐même, à trouver une tactique seul. Au padel, il est nécessaire de plus communiquer, de trouver une solution à deux, de jouer en fonction de l’autre. C’est un sport très tactique. C’est enrichissant et j’avais peut‐être besoin d’aller vers de nouveaux horizons.
Finalement, qu’est-ce qui manque au padel pour poursuivre son développement en France ?
Le padel s’est développé par son charme. Ce sport est génial ! Jusqu’ici, jouer au padel était contraignant car ce sont des structures privées, donc tout le monde n’a pas les moyens. Avec l’arrivée de courts dans les clubs municipaux, le padel se démocratise un peu plus. Il faut se laisser du temps pour développer les choses. La différence se fera le jour où il y aura des terrains de padel à disposition avec des cotisations qui ne seront pas hors de prix. Il faut donc proposer des courts bon marché afin de rendre le padel financièrement accessible, ce qui permettra à plus de personnes de découvrir ce sport. La structure privée a permis de le développer, mais tout le monde ne peut pas se permettre de payer des cartes de 10, 20 sessions. Si on y arrive, on comblera une partie du retard que l’on a sur l’Espagne : plus il y a de joueurs, plus il y a de chances d’avoir de bons joueurs. Être numéro 1 sur 3 000 personnes, c’est bien, mais être numéro 1 sur 300 000 personnes, c’est encore mieux !
Avec votre expérience du tennis de haut niveau, que doit faire la France pour poursuivre sa progression ?
Le padel, en France et même dans le monde, est en train d’évoluer vers des qualités qui viennent de plus en plus du tennis, à savoir la volée, la vitesse de bras, l’agressivité et la capacité à finir le point. Ces qualités ont fait évoluer le padel vers un jeu plus rapide. On a vu arriver des joueurs de tennis, négatifs ou plus, présentant des qualités pour être bons au padel. Si on regarde le jeu des meilleurs mondiaux et que l’on souhaite jouer comme eux, c’est simplement injouable. On n’a pas assez d’entraînement et d’expérience. Alors si on joue avec des qualités de volleyeur, d’agressivité, il y a matière à embêter des joueurs étrangers. Par exemple, pour les prochains championnats du monde, si on opte pour des joueurs plus agressifs, on verra si cette méthode fonctionne. On ne gagnera pas contre l’Espagne, mais au lieu de prendre 6–1, 6–1, on prendra peut‐être 6–3, 6−3… On manque d’expérience, c’est évident.
Publié le lundi 14 mai 2018 à 10:49