Le fondateur de Padelonomics revient pour We Love Tennis Mag sur le développement du padel en Europe. Son analyse confirme qu’il existe deux mouvements différents sur le vieux continent et que la France est un peu à la traine.
Romain, peux‐tu nous dire exactement quand tu as crée Padelnomics ?
- Exactement en Octobre 2018, 4 ans déjà !
Quel a été ton intuition ? - Je cherchais à me faire connaître pour trouver un emploi chez l’un des gros acteurs du secteur. Je me suis dit que créer un site en partageant toutes mes connaissances me servirait de « CV en ligne » pour me faire repérer. Ma fierté, c’est la stratégie autour de la ligne éditoriale du site qui est la clef de son succès. Mon site contient 150 à 200 pages web utiles (si une page ne sert à rien, je la supprime), soit l’équivalent d’un livre dans lequel j’explique, je pense, avec pédagogie, et surtout indépendance de pensée, les grands thèmes qui peuvent intéresser le lecteur. Pas de blabla. J’atteins aujourd’hui 40.000 lecteurs uniques sur une année, en augmentation constante (7000 en 2019, 16000 en 2020, 26000 en 2021, 40000 en 2022).
Comment arrives‐tu à avoir toutes ses statistiques, peux tu nous expliquer ta façon de travailler ? - C’est un travail très simple et très chiant (rires). Depuis 2016, je référence dans un fichier Excel tous les nouveaux clubs qui se créent en faisant une veille sur les réseaux sociaux et Google. Au bout de six ans, ça me permet d’avoir une vision de la vitesse de développement du padel par département, par type de structures etc.
Si je te demande de résumer les grandes tendances de la pratique du padel en Europe depuis 5 ans.. - Les cinq dernières années représentent l’envol du padel en Europe hors des frontières espagnols avec une croissance du padel dans tous les pays mais avec des scénarios de croissance bien différents pour certains. Derrière l’Espagne, si je résume grossièrement pour simplifier, on a deux groupes de pays :
1) Les pays qui sont en plein boom voir en fin de boom (Suède, Italie, Belgique, Danemark, Finlande, Pays‐Bas)
Les pays qui commencent le boom (France, UK, Allemagne, Norvège)
Comment expliquer les différences entre les pays ?
- Là aussi pour simplifier, car ça serait trop long de décrire pays par pays le pourquoi du comment, disons que pour qu’il y ait un boom il faut quatre ingrédients :
1) Des investisseurs
2) Des terrains disponibles
3) Des normes de constructions et des plans locaux d’urbanisme (PLU) peu restrictifs
4) Une demande suffisante pour que le projet soit rentable.
La première catégorie de pays « Pays scandinaves, Bénélux » réunissent en fait ces 4 critères. L’Italie, c’est un peu différent, c’est un pays moins riche mais qui a la chance d’avoir un climat ensoleillé comme l’Espagne ce qui leur permet d’investir dans des clubs de padel outdoor à très bas coût. La seconde catégorie de pays ne réunisse pas ces critères, ils ont tous beaucoup de mal à trouver des terrains disponibles et accessibles en prix et la demande n’est pas encore assez forte pour compenser les charges exorbitantes de ce genre de projet.
Peut‐on dire que la France est en retard ?
- Oui, nous sommes en retard
Comment expliques‐tu ce phénomène ?
- Comme je le disais, il est très compliqué en France de trouver des terrains / hangars à des prix accessibles. Cela freine l’investissement privé. J’ai l’exemple au Pays‐Basque, à Nice, Montpellier, Lille, ou à Paris par exemple, je dois avoir vingt porteurs de projets qui n’arrivent pas à trouver de terrains pour monter leur structure alors qu’ils ont parfois le capital pour cela. Néanmoins, ce frein dans le privé est compensé par la facilité d’installations de terrains de padel, financés par les mairies et les régions, dans les clubs de tennis. Ce qui nous donne au final une croissance forte dans l’hexagone mais non exponentielle comme chez nos voisins Italiens ou Belges.
La pratique évolue donc avec une forte croissance, jusqu’où cela peut aller ?
- Il est beaucoup trop tôt pour le dire. Ce que je sens, c’est qu’on va assister à un boom du padel dans chaque pays dans un premier temps, booster par l’engouement parfois aveugle du secteur privé. Dans un deuxième temps, à cause du surplus de clubs de padel « privé » qui se seront lancés sans réel business plan viable dans ce secteur, on assistera à une « correction du marché », comme en Suède actuellement, et des clubs fermeront. Le sport se structurera alors dans chaque pays autour des clubs associatifs et de quelques clubs privés solides financièrement et une nouvelle vague de croissance plus solide arrivera. Mais l’avenir du padel s’annonce incroyable car c’est le sport de raquette du 3ème âge selon moi et il représente une porte de sortie sportive et sociale pour tous les retraités du tennis/badminton/squash (sport plus exigeant physiquement). Ces sports étant très développés, le padel a de très forte chance de devenir aussi important…
Toi qui regardes tout, on a l’impression que les USA sont
réfractaires, c’est une vue de l’esprit ou est‐ce que c’est parce que le pickelball est très installé
- Le Pickelball est en plein boom c’est vrai, comme le tennis d’ailleurs aux USA. Cela peut être une des raisons qui freinent le développement du padel outre Atlantique. Mais je pense que la raison principale est beaucoup plus simple : Il n’y a presque aucun club de padel là‐bas ! Sans offre, pas de demandes ! On a enfin un premier club qui est apparu à New‐York cette année. Il va falloir du temps et la création de nombreux clubs pour « évangéliser » les Américains mais je ne vois pas pourquoi ce sport ne pourrait pas réussir là‐bas. J’avais étudié l’âge moyen des joueurs de chaque sport et j’avais trouvé que le joueur de Pickleball avait en majorité >60 ans, de Padel entre 35–55 ans et de tennis <35 ans. Chaque sport a son public selon moi.
On sait que tu es joueur de Padel, quel est le coup qui te fait
vraiment kiffer ?
- Plus qu’un coup, j’adore défendre, je trouve que la défense est ce qui fait ce sport si attractif. Mais si je devais choisir, je dirai le lob, je trouve que c’est le coup le plus important du padel, surtout à niveau amateur.
Propos recueillis par Laurent Trupiano
Publié le mercredi 14 décembre 2022 à 14:34