Depuis 2005, la planète tennis est divisée en deux : les supporters de Roger Federer et ceux de Rafael Nadal. On l’a constaté sur Welovetennis, les débats entre les deux camps sont souvent houleux et laissent, parfois, bien peu de place aux joueurs qui suivent, moins médiatiques, moins charismatiques et sûrement moins doués, mais non sans classe, non sans mérite.
L’année 2011 a vu un changement s’opérer. D’abord parce que Roger Federer a confirmé qu’il était, dans la durée, beaucoup plus friable qu’avant et capable de perdre des rencontres qu’il n’aurait jamais perdu il y a quatre ans. Mieux, le Suisse a intégré, un temps, la catégorie des joueurs vénérables : ces joueurs dont l’âge occulte les défauts et les contre‐performances, qui nous laissent attentifs à leur qualité de jeu et leurs bons résultats plus qu’à nos déceptions, attendris, un peu émerveillés. Ainsi a‑t‐on pu entendre dire : « 800 victoires, quand même, c’est formidable », « être encore dans le dernier carré d’un Grand Chelem, à 30 ans, c’est dingue »… Avant sa fin de saison canon qu’il l’a replacé dans le jus ! On allait ranger la bouteille au frigo… et on s’est dit « un dernier coup ». Ce dernier coup, c’est un enchainement Bâle, Bercy, Masters, qui donne envie d’en rouvrir une en 2012 et de la faire durer. Toujours est‐il que l’aura du champion évolue.
Ensuite, parce que cette année nous a montré un Rafael Nadal qu’on ne connaissait pas. Un Rafa désarmé, presque désemparé, quasi découragé, de ses défaites face à Novak Djokovic. Certes, une saison soldée par deux finales et un titre en Grand Chelem, ainsi qu’un nouveau succès en Coupe Davis, ce n’est pas « dégueulasse », dirait Godard. Mais sa mise en échec tactique et technique dans ses confrontations ibéro‐serbes laisse sceptique. Ses déclarations également : on le sent fatigué, usé mentalement, comme physiquement – on a pu le constater en cette fin de saison. Ca surprend, non ? Lui que l’on dit si solide dans la tête et dont les qualités physiques, techniques et morale sont siamoises et inséparables. Une situation comparable à celle de Federer ? « Avec Roger, on joue tout simplement moins bien en ce moment. L’an dernier, j’étais beaucoup plus constant. C’est comme Roger, cette année, il a perdu des matchs que jamais il aurait perdu auparavant. »
Alors que les deux sus‐nommés cristallisaient et monopolisaient, jusqu’à présent, les passions des supporters, cette année, leur duo est devenu trio, leur cercle très fermé forcé par Novak Djokovic. Par ses performances et sa progression impressionnante de 2010 à 2011 – travail physique ? confiance ? nutrition ? œuf ? -, il draine, aujourd’hui, presque autant d’intérêt que ses deux illustres consorts. On le constate sur Welovetennis, un billet sur Djokovic génère un trafic presque aussi important qu’un autre sur Federer ou Nadal. Le « presque », l’intéressé essaie de la combler en travaillant son attitude, celle d’un bon numéro un mondial – il explique s’inspirer de Roger et Rafa. Et c’est presque dommage, au détriment d’une âme.
Derrière ces trois, ça toque dur à la porte : Murray, toujours grognon, un peu plus gueulard si c’est possible, mais pas si loin en cette fin de saison, au‐dessus des Ferrer, discret, efficace, effrayant dans ses bonnes périodes, et Tsonga, le premier, depuis Grosjean, dont on pourrait attendre une finale de Grand Chelem dans les années qui viennent – et bientôt Del Potro ? -, puis toute la troupe du top 10… La question : « Vous êtes Nadal ou Federer ? », posée par GrandChelem il y a quelques années, semble bel et bien obsolète. Visez plutôt : « Vous êtes Nadal, Federer, Djokovic ou tennis ? »
C’est la question qu’on vous pose ce soir. Je sais, c’est une question facile, une question de cabaret plus que de grand salon, mais elle parle quand même d’une réalité. On m’a dit que vous attendiez des sondages… Allons‑y !
NB : petit problème au niveau du sondage ; je vous ai donc mis une version où l’on ne peut voter qu’une fois !
Le livre « Grand Chelem, mon amour » est disponible. Retrouvez les 40 matches de légendes de la décennie 2001–2011. Un livre de la rédaction de GrandChelem/Welovetennis.
Publié le samedi 10 décembre 2011 à 15:00