Dans une rencontre en deux temps, ponctuée d’un deuxième set rendu surréaliste par une Serena Williams qui a totalement dégoupillé à la suite d’un incident avec l’arbitre, Naomi Osaka, 20 ans et jamais impressionnée par la légende américaine, surclasse son idole et remporte ainsi la finale de l’US Open (6−2, 6–4). C’est son premier titre du Grand Chelem, et on peut penser qu’il y en aura beaucoup d’autres.
Pour sa première finale de Grand Chelem, Naomi Osaka a offert à Serena Williams la plus belle des preuves d’amour. Brisant paradoxalement son rêve d’égaler le record de titres du Grand Chelem qui reste (pour un temps) dans les mains de Margaret Court. Car Naomi Osaka aime Serena Williams, c’est évident. Et Serena Williams aurait dû davantage se méfier de cet amour qui, loin d’inhiber, peut parfois être un moteur. Serena Williams est une idole, un modèle pour la Japonaise. Mais les idoles sont vouées à être imitées, voire dépassées, et Naomi Osaka lui voue un tel culte que son but ultime est d’« être » Serena Williams. En surclassant l’Américaine aux 23 titres du Grand Chelem en finale de l’US Open 2018, sur un score sans appel (6−2, 6–4), elle prouve que cet objectif est déjà atteint et écrit une première page de son histoire.
La force tranquille d’Osaka
Pour réussir cet exploit, il fallait une ambition et une force de caractère exceptionnelles, Naomi Osaka a montré qu’elle possédait ces armes. Durant un premier set à sens unique, elle a étouffé Serena Williams, faisant preuve d’une force tranquille peu commune. Puissante, explosive mais gestionnaire à la fois (5 coups gagnants, 5 fautes directes). Aidée aussi, il est vrai, par une Serena Williams loin, très loin de son meilleur niveau (seulement 38 % de premières balles et 21 fautes directes). Le deuxième set commence de façon beaucoup plus équilibrée, Serena Williams prend même le meilleur départ en réussissant le break à 2–1, mais elle retombe immédiatement dans ses travers avec deux doubles fautes qui permettent à Osaka de débreaker dans la foulée (3−3).
« This is not fair »
C’est à ce moment précis que le match prend un tour totalement inattendu, voire surréaliste. Après un premier avertissement pour coaching (qu’elle conteste), l’Américaine écope d’un point de pénalité pour « bris de raquette », ce qui a le don de l’énerver et de la faire sortir du match. En face, Osaka reste imperturbable. Ce point de pénalité est le tournant du set et du match, car Serena Williams ne s’en remet pas et continue à insulter l’arbitre au changement de côté, le traitant de « menteur » et de « voleur » de façon agressive. Et la sanction tombe : un jeu de pénalité. 5⁄3 Osaka. Williams remporte son jeu de service blanc, mais les nerfs ne sont plus là et c’est l’hystérie dans la tête de l’Américaine et dans le stade. Se sentant victime d’une injustice, victime surtout de ses propres émotions qu’elle n’est plus capable de gérer, Serena Williams démontre que l’expérience n’est pas une garantie contre la perte de lucidité. Et si 16 ans séparent les deux joueuses, la meilleure gestion des émotions est du côté de la plus jeune.
Pour sa première finale de Grand Chelem (elle n’avait même jamais dépassé les huitièmes de finale), Naomi Osaka peut tranquillement conclure sur son service et inscrire son nom dans l’histoire de l’US Open. La 19e joueuse mondiale remporte à 20 ans son premier titre du Grand Chelem. Elle écrit aussi l’histoire de son pays, puisqu’elle est la première joueuse japonaise à remporter un tournoi majeur. Et contrairement à d’autres étoiles intermittentes (Ostapenko, Muguruza, etc.), on a le sentiment que cette joueuse a toutes les armes pour briller durablement. Pour Serena Williams, qui annonçait en début de saison : « Mon objectif c’est 25 », il faudra encore attendre avant d’écrire la suite de sa légende. Sa fébrilité et sa nervosité au cours de cette finale laissent penser que le record de Margaret Court pourrait encore tenir quelque temps…
Publié le samedi 8 septembre 2018 à 23:58