La Rédaction sélectionne des commentaires intéressants dans sa rubrique « Vous avez la parole ». Aujourd’hui, Vince 31 regrette que les Français n’aient pas cette culture de la gagne que Federer, Nadal ou Djokovic peuvent avoir. Les Français, mais aussi les autres joueurs, les Berdych et suivants.
Mahut‐Isner, in the zone – Le jeudi 12 juillet 2012 à 00:15, par vince31
Il ne manque ‘que ça’…
Federer a gagné son 7ème Wimbledon… voila, c’est fait… 17ème GC, etc…Etc…
Je vais vous épargner un n‑ième billet rempli de superlatifs quand au palmarès du suisse, il en existe déjà plein, de très bonne qualité, et qui convergent à peu près tous vers la certitude que le Maestro de Bâle est le meilleur joueur de tous les temps, ou presque, ou peut‐être, ou on ne saura jamais trop mais on s’en fiche parce qu’à la fin on est d’accord pour dire qu’il est le seul joueur avec cette classe pure, limpide, qui donne toute sa signification au mot génie.
Bref, il est beau, il est grand, il est magnifique… etc…Etc
Mais pourquoi lui ?
Je veux dire, pourquoi lui, et pas nos chers français ?
Et pourquoi c’est Nadal qui gagne 7 RG, et pas un autre ?
Tsonga, Monfils, Gasquet et compagnie n’ont pas le tennis, pas le mental, pas le talent pour aller chercher un trophée majeur ? Ah bon ?
Je vais enfoncer des portes ouvertes, répéter des choses déjà entendues, mais quand même… j’ai parfois l’impression que l’on oublie trop vite ce qui fait la graine des champions :
La culture de la gagne, de l’hyper-succès, du winner éternel sans limite.
Et ça, on a beau le dire et le répéter, on ne l’a pas du tout. Et j’ai l’impression que le temps passe et que rien ne change à ce niveau. Il n’y a qu’à écouter les interviews des intéressés.
On sait fabriquer des super tacticiens, des supers talents, des supers joueurs solides, mais des champions avec un grand ‘C’, ça on a du mal.
Et ça commence par quoi ? Et bien tout simplement par l’échelle dans laquelle on place ses repères de succès lorsqu’on est enfant et qu’on commenc
e un sport.
En France, lorsqu’on parle ‘Champion’ de tennis, lorsqu’on évoque le succès absolu, on parle d’un jour gagner un grand chelem comme tonton Yannick.
Voila… gagner un seul grand chelem.
Vu que personne mis à part Yannick Noah n’a réussi à faire mieux qu’en gagner un, et bien inconsciemment on place dans l’inconscient collectif national la barre la plus haute de l’échelle du succès à « gagner un grand chelem comme Yannick Noah ».
Et voila pourquoi on se plante !
Pourquoi on se limite à ça ? Pourquoi on ne dirait pas aux enfants qu’il est possible d’en gagner plusieurs ? Que ça serait juste « possible » ?
Le problème auquel se confronte un champion au moment de réaliser une performance, c’est le rapport mental qu’il a vis‐à‐vis de cette performance.
Sampras, Nadal, Federer, lorsqu’ils gagnent un grand chelem, quelque part c’est la ‘normalité’.
Les français, eux, lorsqu’ils arrivent en finale, comme ils sont ‘éduqués’ à ce qu’une seule victoire en grand chelem soit la finalité absolue de toute une vie de sportif, et bien il la perde… et oui, vu que c’est au dessus de la ‘normalité’ et bien on ne joue plus avec la bonne attitude. Et surtout on prend le risque de subir le jeu d’un gars qui lui, n’a pas ce souci !
C’est criant et très révélateur : un français qui réussit une performance exceptionnelle au tennis, le fait quasiment tout le temps dans une espèce de ‘transe’ hyper positive, genre Tsonga à l’Open d’Australie 2008, transe dans laquelle le joueur semble sur un nuage, se sent pousser des ailes extraordinaires car il arrive à sur‐jouer, tout rentre, une transe hyper positive s’enclenche et des coups foudroyants peuvent sortir de la raquette régulièrement.
Mais comme cela n’est pas la ‘normalité’, ils le font sur un match ou deux, et jamais sur 15 jours consécutifs. Et surtout jamais le jour de la finale… le jour qui les sépare de leur idéal de victoire en carrière, de leur limite inconsciente…
Et oui, cette culture que j’appelle à tord ‘française’ – car on voit bien qu’Andy Murray, pour exactement les mêmes raisons mais cette fois en Angleterre, présente les symptômes récurrents – est une culture de la limitation dans la perception du succès.
Et vous aurez donc compris que je taquine affectueusement notre éternel esprit Poulidor mais que lorsque je parle de français, il faut entendre tous les Berdych, Soderling et autre Murray, bref tous ces gars qui ont le tennis pour tout casser, qui casse tout d’ailleurs parfois, mais jamais je jour J…
Inconsciemment, on limite les joueurs dans leur potentiel de victoires.
On met des barrières, bien sûr sans le faire exprès, mais qui exerceront les effets les plus négatifs dans les moments décisifs.
Il n’y a qu’à voir comment Nadal ou Federer gagnent leurs titres : ils restent constants, froids, méthodiques, presque robotiques. Car pour eux, s’ils gagnent, cela ne représentera pas le dépassement impossible d’une barrière.
Cela est dans la ‘normalité’, sans pour dire qu’ils boudent leur succès, pas du tout, mais ils n’ont pas de blocage psychologique à se projeter vainqueur de plusieurs titres majeurs, et cela même si personne dans leur pays ne l’a fait avant eux.
Djoko, lorsqu’il a commencé à tout gagner en 2011, a fini par se convaincre que c’était possible, et presque normal qu’il gagne tout, et ça fonctionnait ! Il n’y à qu’à voir les balles de match sauvées contre Federer en demie à l’USO… c’était juste incroyable… Incroyable de certitude que la victoire sera normale et au bout du chemin.
Mais en 2012, il a été confronté à une nouvelle barrière : dans son référentiel, tout gagner une année avait été un truc énorme, et donc le refaire une deuxième année de suite serait un truc de fou… un truc impossible. Et donc il ne l’a pas fait… Pourtant est‐il en moins bonne condition que l’an dernier ? Joue‐t‐il un tennis moins technique ?
Je ne suis pas sur…
Cela doit nous faire prendre conscience à quel point les Laver, Borg, Sampras, Nadal, Federer sont des champions exceptionnels… Car ils ont la gagne sans limite, ils ont la gagne ‘normale’.
Le jour on arrivera à faire passer ce genre de sensations auprès de nos jeunes, à faire évoluer les mentalités vers non pas de l’arrogance ou de la suffisance, mais vers de la détermination et de la certitude que l’on peut, que l’on doit se projeter vainqueur de tout ce que l’on entreprend sans que cela soit un ‘exploit incroyable’, alors oui on aura franchi un pas vers les succès majeurs.
Car tennistiquement, Tsonga ou Gasquet auraient déjà pu en gagner un.
Seulement voila, il ne manque que ça…
Oui mais ce ‘Que’ est énorme… Ce n’est ‘Que’ ça qui fait les Champions 😉
La raquette de Jo‐Wilfried Tsonga, ici !
Publié le jeudi 12 juillet 2012 à 09:08