AccueilWe Love Tennis MagLes grands témoins - Madeleine Bärlocher (2/3)

Les grands témoins – Madeleine Bärlocher (2÷3)

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Durant plus de 10 ans, nous avons rencontré des cham­pions, des passionnés, des fortes person­na­lités. Des entre­tiens qui, parfois, se sont avérés si excep­tion­nels qu’ils en deve­naient intem­po­rels. Voici une sélec­tion de trois séquences choi­sies parmi nos 49 précé­dents numéros.

Madeleine Bärlocher est celle qui a materné l’im­mense Roger Federer dans ses plus jeunes années. Pour notre numéro 32, nous étions allés à Bâle pour rencon­trer cette dame très distin­guée qui a géré les premiers pas du Suisse, de 1989 à 1995. Au cours de cet entre­tien, elle s’est remé­morée avec plaisir quelques anec­dotes sur le plus grand joueur de tous les temps. Document.

GrandChelem n°32 : novembre/décembre 2012

Pourquoi Roger est‐il venu dans ce club, le TC Old Boys de Bâle ?

« Roger est arrivé ici à huit ans grâce à sa mère, Lynette. Elle y jouait déjà et parti­ci­pait aux matchs par équipe. Un jour, elle est venue me voir pour savoir si son fils pouvait inté­grer le club. Elle avait été impres­sionnée par le programme Junior. Avant, Roger jouait sur les courts de l’entreprise de ses parents (NDLR : Ciba, ex‐Novartis). »

Lynette espé­rait que Roger puisse réaliser une grande carrière profes­sion­nelle en l’inscrivant ici ?

« Non, ses parents ne l’ont jamais poussé. C’est toujours Roger et Roger seul qui a dit vouloir devenir profes­sionnel. A huit ans à peine, il parlait déjà de devenir numéro un… Il en parlait même à ses copains. Moi, je n’y croyais pas. D’autant qu’en Suisse, à cette époque, il n’y avait pas de très, très grands joueurs. C’était la fin des années 80, on avait Marc Rosset, Jakob Hlasek… Mais c’est tout. Oui, à l’époque, on n’imaginait pas qu’il irait aussi loin. Si je l’avais su, je l’aurais certai­ne­ment regardé de plus près. Mais il y avait d’autres jeunes – certains plus forts que lui. »

Wimbledon le faisait déjà rêver ?

« Remporter Wimbledon, ça a toujours été son truc. Même quand il était tout jeune. Je me rappelle d’une anec­dote… Lors d’un entraî­ne­ment, je regar­dais Roger jouer et un point m’avait marqué. Il doit faire face à un lob, il se recule et claque un smash gagnant. Tout content, il me dit : « Un jour, grâce à ce smash, je gagnerai Wimbledon ! » Et, lors d’une de ses finales à Londres, je me souviens l’avoir vu réaliser à peu près le même smash sur une balle de match… Ça m’a fait rire, c’était juste incroyable. »

C’était un enfant capricieux ?

« Non, pas chez moi, il n’osait pas agir comme ça. Par contre, par la suite, adoles­cent, et surtout quand il est parti au centre d’études d’Ecublens, il s’est mis à beau­coup pleurer et devenir capri­cieux. A Bâle, il a très vite progressé. Du coup, il était satis­fait. Ensuite, lorsqu’il a commencé les tour­nois impor­tants, il ne progres­sait plus aussi vite, se frus­trait sur le terrain et jetait souvent sa raquette. Sinon, il a toujours juré, mais, bon, c’est le lot de tous les jeunes. »

Comment vous le caractériseriez ?

« Souriant, atta­chant… Mais il avait, quand même, toujours envie de faire des bêtises, des blagues. Je m’en souviens d’une, parti­cu­liè­re­ment. Lors d’une rencontre inter­club, en atten­dant son tour de jouer, il s’était caché dans un arbre. Le problème, c’est qu’on l’avait cherché partout… Impossible de le retrouver ! Il adorait ce genre de blagues. »

Il avait déjà le même jeu qu’aujourd’hui, en matière de technique ?

« Oui, complè­te­ment. Et il appre­nait vite. Lorsque Seppli (Kacovski, son premier entraî­neur) lui ensei­gnait un nouveau coup, il savait le réaliser tout de suite, alors que les autres enfants avaient besoin de deux semaines pour le comprendre et le faire correctement. »

D’ailleurs, Seppli disait qu’il avait déjà un talent fou. Il avait l’impression qu’il était né avec une raquette entre les mains…

« C’est clair, mais on ne pouvait pas prévoir le futur et le destin qu’on lui connaît désormais. »

Comment expliquez‐vous qu’il ait été aussi agité, plus jeune, alors qu’il semble telle­ment calme sur le court, aujourd’hui…

« C’est grâce à Mirka… »

C’est elle qui l’a changé en quelqu’un de calme ?

« Oui. En ce temps, seul Peter Carter pouvait vrai­ment le calmer. Roger et Peter s’entendaient très bien. Carter l’a beau­coup aidé et bien formé au niveau tactique, notam­ment pendant les compé­ti­tions. Son expé­rience du circuit et son niveau de jeu lui ont beau­coup apporté. Peter amenait de la sérénité. »

Lorsqu’il était au club, il restait après les entraî­ne­ments ? Il tapait la balle contre le mur ?

« (Rires) Oui, il restait… Il restait pour jouer aux cartes avec ses amis. Au Jass ! C’est très semblable à la belote. »

On a l’impression qu’il n’a aucun défaut. Il est gentil, il est poli, il est grand, certaines le trouvent beau…

« Vous avez raison. Il n’est jamais injuste. C’est dur de lui trouver un défaut, mis à part cette manière de jurer qu’il avait trop souvent. Et je vous avoue que ça m’énervait beau­coup ! D’ailleurs, sa mère m’avait demandé de le sortir du court s’il jurait trop… »

GrandChelem n°50, le numéro anni­ver­saire en télé­char­ge­ment gratuit

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