Coach d’Elena Likhovtseva, de Vera Zvonareva et aujourd’hui d’Anastasia Pavlyuchenkova, notre breton préféré sait parfaitement ce que l’esprit russe veut dire et ce qu’il implique au quotidien. Dans notre dossier du numéro 73 de Welovetennis Magazine consacré au tennis russe, Sam Sumyk se confie.
Sam, tu as entraîné beaucoup de joueuses de l’Est, et des Russes en particulier. Peut‐on dire qu’il existe un esprit russe ? On parle notamment d’une certaine forme d’humour assez sarcastique…
Plutôt que de parler d’esprit russe, on pourrait évoquer l’esprit slave et la forme de fatalisme qui va avec. Les Russes font partie de cet ensemble avec leur particularité. Pour ma part, j’aime bien cet état d’esprit, forcément lié à la dureté du régime d’autrefois, mais aussi au manque de liberté comme on l’entend en Occident. Certains sont même nostalgiques de cette époque où le régime pensait pour eux et leur assurait d’avoir de quoi manger dans leur assiette. Alors, leur humour n’est-il pas lié à cette histoire ? Leur humour, je l’apprécie, il me va bien. C’est un humour à froid qui comporte aussi beaucoup d’ironie, d’abord tournée vers soi et ensuite vers les autres. Selon moi, les Russes ont cette distance avec les choses que n’ont peut‑être pas les autres peuples plus terre à terre. Rien n’est important chez le Russe, du moins en apparence…
Que t’inspire le comportement d’un joueur comme Daniil Medvedev ?
Daniil Medvedev, c’est un mec, et j’entraîne des « gonzesses » donc je connais peu. Typiquement russe en apparence, et donc très froid, mais je suis persuadé que quand il doit se lâcher, c’est un peu comme les Bretons : froids dehors et hyper chauds à l’intérieur ! Bon, je plaisante, mais le joueur envoie du bois…
Aujourd’hui, tu entraînes Anastasia Pavlyuchenkova. Qu’y a‑t‐il de russe en elle ?
J’entraîne effectivement Anastasia Pavlyuchenkova depuis peu de temps. Et elle ne déroge pas à la règle. Froide en apparence, mais un monde bouillonnant à l’intérieur. Elle sait ce qu’elle veut et comment y parvenir. Une sacrée bosseuse et une volonté typiquement russe. On ne dit pas grand‐chose, on fait ; cela résume bien la pensée russe. En tout cas, c’est un régal pour moi d’entraîner à nouveau une athlète russe.
On dit souvent que les Russes sont durs au mal. Est‐ce que c’est un cliché ?
Durs au mal, oui, mais ils ne sont tout de même pas les seuls sur cette planète ! Très tôt leur est inculquée une certaine discipline, ils apprennent que l’effort est nécessaire et que c’est une valeur sûre qui ne leur fera pas défaut. Ils sont beaucoup moins dans le jugement d’autrui, et c’est aussi une force supplémentaire. En fait, je les trouve durs envers eux-mêmes.
Publié le samedi 7 décembre 2019 à 10:47