Malgré un match de très haut niveau, Julien Benneteau a subi la loi de l’intraitable Federer. Le Français sort grandi de ce magnifique match qui l’aura vu passer tout près d’un retentissant exploit. Mais les immenses champions ne tremblent jamais, Benneteau en a fait les frais 4–6 7–6(5) 6–2 7–6(7)6–1.
L’exploit était tout près, mais il y avait bel et bien une classe d’écart entre Julien Benneteau et Roger Federer. La classe qui fait qu’un joueur ayant déjà tout gagné parvient à se remobiliser dans les pires situations. La classe qui fait qu’un homme puisse se permettre de déjouer deux sets durant avant de reprendre les devants. La classe qui fait qu’un champion n’est jamais vaincu, même par un adversaire en état de grâce. Car c’est bien la grâce qui a touché Julien Benneteau aujourd’hui à Wimbledon. Presque injouable les deux premiers sets durant, le Bressan a ébloui le Centre Court de son efficacité, de sa simplicité, de sa décontraction. Cette même efficacité qui a permis au Français de se montrer imprenable sur sa mise en jeu pendant ses deux premiers sets de récital. Mais un match en Grand Chelem se gagne en trois sets victorieux. Mener deux manches à rien face à un champion de cette trempe peut avoir deux effets, souvent cumulables : le faire douter, et donc l’obliger à sublimer son jeu. C’est ce qu’a fait Roger dans le troisième acte, il a sublimé son jeu, bien aidé toutefois par la baisse de régime de son adversaire. S’il n’a ensuite pas toujours été le divin joueur que l’on connaît, il a su se révéler dans les points importants, ne montrant jamais un quelconque signe d’agacement, de désabusement, de baisse de régime. C’est sans doute ce qui a manqué à Benneteau pour boucler sa partition au tie‐break du 4ème set, et dans le 5ème set qui l’a ensuite logiquement vu sombrer.
Le match débutait sur un tempo soutenu, rythmé par les services de chacun des deux acteurs. Jusqu’à 4–4, pas la moindre ouverture d’un côté comme de l’autre, pas de place au break. C’est alors que Julien, conscient de l’enjeu du service suisse, se montre plus entreprenant et arrache un break inéspéré. Dominé Federer se résout à concéder la première manche 6–4. Comme Djokovic face à Stepanek plus tôt, on mise sur un coup d’élat, une panne au démarrage qui serait combler dans la demi‐heure qui suit. Il n’en est rien. Benneteau continue son sans faute, au filet notamment et sur sa mise en jeu surtout. Là encore, le deuxième set est très disputé et seul un tie‐break ne semble en mesure de départager les deux hommes. L’expérience et le sang‐froid d’un Federer devrait faire la différence et lui servir d’éléctrochoc…Toujours pas. Benneteau mène d’une main de maître le jeu décisif et prend deux longueurs d’avance 7–6(5). C’est ce moment‐là que le Suisse choisi pour resortir sa palette de coups, et dans le terrain cette fois. Parallèlement, Benneteau décide, lui, montre moins de constance, commet des erreurs, parfois grossières et quelques doubles. En face, moins de fautes, plus d’agressivité et de hargne, Federer redore son blason dans la troisième manche et balaie le set en une trentaine de minutes. On prévoit alors le pire pour Benneteau, qui plus est a passer bien plus de temps sur le court que Roger pour en arriver là. Mais le Bressan ne lâche rien et repart de l’avant dans le 4ème set. A nouveau maître sur son service, le Français tient la dragée haute au numéro 2 qu’il traîne jusqu’à un second jeu décisif. Une fois encore, Benneteau ne semble pas atteint par la pression. Il joue son tennis, comme depuis le début et menace le Suisse sur le moindre de ses coups. Même ce coup revers en bout de course de Federer qui heurte la bande du filet et prend ainsi Julien à contre‐pied à la volée n’y fait rien. Dans un reflexe rare, Benneteau change sa prise de raquette et aligne sa volée en revers. Bousculé, le champion Federer démontre toute sa grâce et arrache le 4ème set au nez et à la barbe transpirante de son adversaire. Dès lors, tous le savent, Julien le premier : la mission impossible devenue envisageable au fil des minutes retrouve son rang. Federer déroule dans le dernier set, Benneteau s’écroule en face, malgré une immense volonté. Le Français multiplie les fautees, sur son service notamment (10 doubles fautes, 6 de plus que Federer). 6–1.
Dans le jeu comme dans les statistiques Julien Benneteau aura tenu la comparaison de bout en bout. Un ace de plus que le Suisse, le même ratio de première balle, la même vitesse moyenne de service. Quelques fautes de plus, quelques balles de break en moins se seront chargées de faire toute la différence entre un eternel champion et un joueur au courage exemplaire et à la confiance maximale. Ce soir, Roger Federer a montré que, même dans un grand jour, son adversaire ne pouvait faire la mesure. Après la déroute surprise de Nadal hier, Federer avait à coeur de justifier sa 2ème place à l’ATP. Il l’a fait. Avec brio même, bien que son match ne restera pas comme la plus belle preuve de son génie. Mais Federer est bien présent, ici, à Wimbledon, où il s’est imposé à six reprises et où il rêve de rejoindre l’inaccessible record de Pete Sampras qu’il s’est contenté de regarder du coin de l’oeil jusqu’à présent. Et de redevenir numéro 1, accessoirement. En huitièmes de finale, Federer affrontera le Belge Xavier Malisse. Tombeur de Fernando Verdasco en cinq sets éprouvant, Malisse n’a pas ménagé ses efforts face à l’Espagnol. Federer non plus. Tant physiquement que mentalement, Roger a dû puiser dans ses ressources. Des ressources que beaucoup ont tendance à lui retirer au fil des années. Mais elles sont toujours présentes, tout comme la soif de victoire du Suisse. En huitièmes, son adversaire aura beau démontrer tout ce que son nom de famille lui accorde, Roger Federer risque d’être difficile à bouger. Une victoire sans émotion n’a pas la même saveur. L’émotion, Roger l’a eu ce soir. A lui désormais de s’en servir à bon escient.
Publié le vendredi 29 juin 2012 à 23:08