Welovetennis a eu le privilège de partir dans les coulisses des studios de beIN SPORTS pendant Wimbledon. L’occasion de discuter avec Tatiana Golovin, consultante pour la chaîne sportive, sur ce début de quinzaine.
Tatiana, comment définir Wimbledon ?
Le respect, la tradition… Ils arrivent à innover tout en gardant la tradition. Ils évoluent mais gardent leur cœur de tournoi. Ça représente aussi les gens qui font « The Queue » pour essayer d’avoir une place, les fraises à la crème, le « Pimm’s »… (sourire) Tous ces gens qui viennent fêter le tennis et passer un bon moment en famille. Ça se ressent et ça donne une énergie très positive au tournoi.
On dit que c’est le Grand Chelem qui respecte la tradition mais cette année ils instaurent le tie‐break à 12–12 dans le dernier set… Qu’en pensez‐vous ?
C’était important de le faire car sur gazon le break est très difficile. Un match en cinq sets peut devenir très long chez les hommes avec les grands serveurs. On est dans une société où tout doit aller très vite. Quand les serveurs gagnent facilement leur service, on se dit qu’à un moment, il faut stopper. La goutte qui a fait déborder le vase est le match Anderson – Isner (demi‐finale de l’édition 2018). Au‐delà de la longueur de cette rencontre, Anderson a été handicapé pour la finale et donc le spectacle n’a pas été au rendez‐vous. Après le choix de mettre le tie‐break à 12–12 laisse l’opportunité d’aller un peu plus loin et de tester l’aspect physique chez les joueurs, ce qui est la particularité des Grands Chelems. C’est un juste milieu et je trouve que c’est bien fait.
L’attribution des têtes de série est différente et a beaucoup fait parler cette année. Quel est votre regard ?
Chez les hommes, c’est assez logique. On voit par exemple Feliciano Lopez remporter le tournoi du Queen’s alors qu’il n’avait pas gagné depuis plusieurs années. Il y a clairement un avantage chez les hommes avec certains styles de jeu, donc ça paraît logique que les têtes de série soient plus équilibrées afin de ne pas créer trop d’écart. Je trouve que c’est une bonne chose d’avoir ce classement car cette surface reste particulière et avantage certains joueurs. Il est plus facile de s’adapter à la terre battue et au dur qu’au gazon.
« Le tie‐break à 12–12 est un juste milieu »
Comment expliquez‐vous les nombreuses surprises du tableau féminin, ce que l’on voit très souvent dans les tournois du Grand Chelem ?
Ce n’est pas lié au fait que ça joue moins bien, bien au contraire, et c’est la raison pour laquelle c’est très difficile pour les filles d’enchaîner les résultats. Ça se voit dès les premiers tours où la concurrence est très relevée. Bien jouer et être à 100% toutes les semaines, c’est très compliqué pour les joueuses. Elles arrivent sur trois ou quatre semaines de l’année à être à 100% et le reste, elles sont en préparation, ce qui donne des tableaux ouverts. La demande physique et mentale est difficile à gérer. Naomi Osaka a remporté Indian Wells l’an dernier et elle n’a presque rien fait jusqu’à sa victoire à l’US Open. Elle a mis du temps à digérer. Aujourd’hui, depuis Melbourne, on repart sur un cercle où elle ne veut même plus être numéro 1 mondiale. Elle est complètement paralysée par tout ce qui arrive autour d’elle, les nouveaux sponsors, la nouvelle équipe… Elle ne s’y retrouve plus… C’est difficile de garder le même état d’esprit toute l’année car les tournois s’enchaînent. C’est positif car tu peux te relever et jouer toutes les semaines. À l’inverse, quand tu perds, tu peux te retrouver dans une spirale car la confiance est tellement difficile à acquérir.
Comment le gériez‐vous pendant votre carrière ?
Ça fait partie du sport, on grandit dans ce milieu et la défaite fait partie du quotidien depuis les juniors. Aujourd’hui, il se passe tellement de choses avec les réseaux sociaux que ça devient de plus en plus difficile pour la nouvelle génération de rester concentré au maximum. Dès la première année, des joueuses peuvent très bien jouer comme Bouchard par exemple, puis elles disparaissent presque. Il y a tellement de choses qui sont arrivées dans sa vie (pour Bouchard), que c’est presque normal. Les stars sont celles qui arrivent à tout faire et ne pas être juste une joueuse de tennis. Barty, la nouvelle numéro 1 mondiale, enchaîne et reste très régulière. Aura‐t‐elle cette aura de star ? C’est peut‐être ce qui manque. Le grand public a sans doute du mal à suivre car chaque semaine ça change, il n’y a pas d’histoire. Si on compare au Top 3 chez les hommes, on peut surtout se demander de quelle planète ils viennent pour être aussi motivés et disciplinés depuis tant d’années. Ils ont toujours faim (sourire).
Avec ce qu’elle monte depuis le début, Cori Gauff est‐elle la future star du tennis féminin ?
J’ai été impressionnée par la façon dont elle a géré son premier match face à Venus (Williams). Tennistiquement elle était au‐dessus, et psychologiquement, elle a fonctionné comme une championne. Elle s’est transcendée et c’est dans les grands rendez‐vous qu’on voit les grands champions. Sur le plan du jeu, elle a encore des progrès à faire, ce qui est logique à 15 ans, mais j’ai été subjuguée par ce qu’elle a fait mentalement.
Propos recueillis à Wimbledon
Suite de l’entretien sur les coulisses de beIN SPORTS à Wimbledon dans Welovetennis Magazine 71
Publié le dimanche 7 juillet 2019 à 15:30