Roger Federer et Tommy Haas se retrouvent pour la première fois en demi‐finale de Grand Chelem, à Wimbledon. Si l’on connaît tout du premier, le second draine avec lui un parfum d’inconnu. Qui est‐il ? Quelles sont les chances des deux joueurs dans cette demi‐finale ?
C’est le money time pour Roger Federer. Le Suisse a l’occasion de se qualifier pour sa 19ème finale de Grand Chelem, avec la possibilité de détenir, seul, le record de victoires dans les tournois majeurs : 15. Pour ce faire, la tâche ne sera pas aisée. Le Suisse devra d’abord se débarrasser de Tommy Haas.
Tommy Haas, au premier plan ces dernières semaines
Tommy Haas, l’éternel espoir du tennis allemand. Pour illustrer la jeunesse du trentenaire germanophone, faisons appel à nos souvenirs. Tommy Haas, c’est une superbe victoire contre Novak Djokovic, numéro 4 mondial, avant‐hier, en quarts de finale. C’est un titre, il y a deux semaines, à Halle, face à ce même Serbe, après avoir défait de grosses têtes de série. C’est un huitième de finale dans lequel il mène deux sets à rien, est proche d’un exploit söderlingien, avant de s’écrouler suite à un coup droit magique de son adversaire de demain. Ces trois souvenirs sont probablement ceux qui reviennent le plus vite à l’évocation du nom de Tommy Haas.
Un joueur frappé de malchance
Passée cette madeleine superficielle, nos méninges se mettent en route. Tommy Haas, c’est ce joueur élevé à la sauce Bollettieri, doué comme pas deux en revers, en retour comme en service, mais instable mentalement et facilement déstabilisé. C’est ce type dont on avait parlé en 2007 pour une histoire d’empoisonnement à la veille d’une rencontre de Coupe Davis entre l’Allemagne et la Russie. C’est cet espoir perclu de malchance : touché mentalement après l’accident de son père, veillant le coma de ce dernier et laissant, à cette occasion, sa carrière de côté ; touché physiquement avec ses problèmes d’épaule et de coude, le contraignant à l’opération et le tenant éloigné des courts durant plus d’un an, fin 2002.
Un véritable palmarès
Ses blessures remémorées, il est temps de la croquer, cette madeleine, et de s’éclaircir la mémoire. Creusez‐vous bien la tête. Tommy Haas, c’est un premier titre à 21 ans, sur les courts de Memphis ; c’est 12 trophées soulevés et 9 finales perdues ; c’est 3 victoires à Memphis, 2 à Los Angeles, 2 finales à Lyon et à Munich ; c’est le Master Series de Stuttgart, la finale à Rome et une médaille d’argent aux JO ; c’est maintenant 4 demi‐finales de Grand Chelem, dont 3 à l’Open d’Australie en 1999, 2002 et 2007 ; c’est une polyvalence rare, avec des titres acquis sur toutes les surfaces, dur, terre battue, synthétique et gazon ; et c’est plusieurs mois passés dans le top 5 mondial, avec un sommet à la deuxième place, courant 2002.
Des chances face à Federer ?
A présent que nous avons les idées claires, nous pouvons enfin comprendre quel joueur est Tommy Haas, quel joueur il aurait pu être, quel joueur il sera peut‐être. La question est maintenant la suivante : ce Tommy Haas, cet Allemand qui, à 31 ans, n’a jamais été aussi jeune, a‑t‐il la moindre chance en demi‐finale de Wimbledon face à Roger Federer ?
Il a certainement les capacités de battre le numéro deux mondial. Sur un match, avec sa qualité intrinsèque, sa motivation, on l’a vu à Roland Garros, il le peut. Mais en aura‐t‐il vraiment l’opportunité ? La réponse semble moins positive. Roger Federer dispute là sa 21ème demi‐finale de Grand Chelem d’affilée, sa 23ème en carrière. Il n’en a perdu que trois. Sur gazon, il est, sans aucun doute, le meilleur joueur du monde : il a remporté près de 90% des matches disputés sur cette surface y accumulant 10 titres. Il possède l’un des meilleurs jeux de service, l’un des meilleurs jeux de retour, l’un des meilleurs jeux de volée. Ses déplacements, sur herbe, sont d’une légèreté, d’une fluidité et d’une précision telles qu’ils rendent tout débordement tâche plus qu’ardue. Sa maîtrise technique, son sens de la variation et de la création, son intelligence stratégique constituent une référence pour tout joueur de tennis. Il a même la réussite avec lui, en témoigne ce coup droit décroisé, il y a cinq semaines, en huitièmes à Roland. Réussite ? Certains parleront de chance, d’autres de génie. La problématique reste la même : Tommy Haas peut‐il vraiment créer l’un des exploits les plus retentissants de ces dix dernières années ? Pour information et pour vous faire une idée, Roger Federer mène 9–2 dans ses confrontations avec l’Allemand. Certes, deux de ses trois dernières victoires relèvent de forfaits. Mais sa dernière défaite contre l’actuel 34ème joueur mondial remonte à janvier 2002, il y a 7 ans et demi, en huitièmes de finale. Et encore, Tommy l’avait emporté 7–6 4–6 3–6 6–4 8–6.
Il ne reste qu’une marche à franchir pour les deux joueurs. Pour Roger Federer, c’est une jolie marche, travaillée, foulée pour la 23ème fois, une marche comme chez vous, comme chez moi. Pour Tommy Haas, cette marche, c’est l’Everest, ses dangers, son blizzard. Son yéti.
Publié le jeudi 2 juillet 2009 à 20:42