AccueilWLT AwardsOde à Tommy Haas, trentenaire de l'année 2012

Ode à Tommy Haas, tren­te­naire de l’année 2012

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Voici l’en­semble des résul­tats du « WLT Award du meilleur tren­te­naire de l’année 2012 ». La commu­nauté WLT a plébis­cité le reve­nant Tommy Haas (61%) dans cette caté­gorie. L’Allemand réalise en 2012 un retour toni­truant avec deux finales en ATP 500 et, surtout, une victoire mémo­rable sur Roger Federer à Halle. Vous ne vous y êtes pas trompés en le nommant meilleur tren­te­naire, au béné­fice d’un come‐back surpre­nant, Tommy frappe aujourd’hui aux portes du top 20. Derrière, PHM et ses 700 places grap­pillées au cours de la saison ont égale­ment trouvé écho dans vos votes. Le Français chipe pour quelques points la seconde place à Venus Williams.

Les résul­tats : le ou la tren­te­naire de l’année 2012

La vie, un long fleuve tran­quille ? Maxime apanage d’es­prits n’ayant pas expé­ri­menté ses tumultes, ses lames de fond. Les remous du torrent de la vie, Tommy Haas, lui, les sait tous. La carrière du sportif, c’est avant tout l’his­toire de l’homme, l’his­toire d’une vie. Une vie avec ses instants de joie entre­coupés de doulou­reuses périodes de peines. Une vie impi­toyable, où la dureté de la réalité humaine reprend ses droits, comme pour mettre à l’épreuve un homme à l’exis­tence trop douce, trop aisée. Cette vie, Tommy Haas a su l’ac­cepter et, loin de s’y rési­gner, la prendre à bras le corps pour mieux lui tordre le cou. Tommy Haas, je te conterai le drame d’une vie. Par l’image d’Épinal du marin de Hambourg, je te montrerai comment on tient un cap nonobs­tant Éole et Zéphir.

  • Les WLT Awards sont orga­nisés en parte­na­riat avec « Roger, mon amour », le livre tennis événe­ment sur Roger Federer. 

Belle gueule, pro à 18 ans, triom­phant sur le circuit ATP à 19 face à Jim Courrier et médaillé olym­pique à 22, la jeunesse de Tommy a tout d’une mer azur, plate et sereine. Une mer où l’on peut navi­guer à vu, à l’aide du patriarche, entraî­neur de tennis, qui vous aide à placer les mains sur le gouver­nail de la destinée. Mais voilà, comme tout loup de mer le sait, les flots sont indomp­tables et impré­vi­sibles. Celui qui prétend les soumettre est bien présomp­tueux. Ils peuvent faire tanguer puis chavirer toute embar­ca­tion au gré des tempêtes guet­tant un ciel au beau fixe. Dans le port d’Hambourg, où Tommy vit le jour, le parcours du navire Haas est d’une bana­lité commune. Au sommet de son art en 2002 – numéro deux mondial – à 24 ans, Tommy voit l’ho­rizon se gâter, s’obs­curcir de nuages dont il ne sait encore la provenance. 

L’ascension fulgu­rante du joueur se voit contrainte par les bles­sures, notam­ment par une épaule récal­ci­trante dès les lende­mains de ces jours heureux. Comme si, sortant de cabine après un sommeil paisible, le capi­taine Haas voyait tout à coup à quel tsunami l’océan de la vie allait le soumettre. Tel Henri IV à Canossa les forces, célestes diront certains, de la vie contrain­dront le petit prince teuton à faire péni­tence… peut‐être pour l’avoir dévorée trop vite. Enfant prodige jusqu’a­lors gâté, le jeune Tommy vit les présents trop peu consi­dérés lui être retirés. Absent des terrains pendant deux longues années il fut confronté aux troubles affec­tifs causés par l’état de santé de son père. En fils recon­nais­sant, il ne céda pas aux affres de la vision d’un père légu­mifié par des mois de coma et soutint les siens avec force. Affres corrélés de pépins physique inter­di­sant toue reprise hâtive du sport auquel il est voué. 

Face à ces nouvelles réalités, Haas fait partie de ceux qui refusent de recon­naître le poids de la destinée. A cet égard, il conserva ses préro­ga­tives de choisir libre­ment la suite de son exis­tence. Choix de ne pas se laisser sombrer dans les abysses sans fond de la douleur de l’âme. S’accrochant aux épaves de son vais­seau brisé et à une comba­ti­vité extra­or­di­naire, il parvint à sortir la tête de l’eau pour reprendre une bouffée d’air salva­trice. Cette bouffée d’air, chacun la trouve où il peut. Pour Haas ce fut dans le tennis, grâce à trois titres glanés en 2006. Tel le phénix consumé par la peine, immolé par la douleur, le germain à la cheve­lure d’ange est touché, marqué certes. Mais coriace, indes­truc­tible même, il n’est jamais anni­hilé. Et, quoi de mieux pour vaincre la submer­sion des flots que la puis­sance du feu, animée par la peine et cris­tal­lisé par la force de l’oi­seau mystique. Ainsi le phénix Haas renaît de ses cendres. 

Il ne se lais­sera plus jamais ense­velir. Des bles­sures à répé­ti­tion de 2008 à 2010 et des opéra­tions en nombre, qui l’écor­chèrent encore un peu plus, Tommy revient toujours. Plus déter­miné après chaque épreuve. En 2012, grap­pillant plus de 150 places au clas­se­ment ATP sur la saison, il effectue son retour à la proue du tennis mondial. Parti à l’abor­dage des plus pres­ti­gieux galions, le pirate Haas soumet quan­tité de mate­lots chevronnés. Domptant les soubre­sauts de Marin Cilic, Janko Tisparevic ou encore Nicolas Almagro, c’est fina­le­ment sur gazon – à Halle – qu’il retrou­vera son trésor. Au prix d’une longue bataille où il préféra faire parler la classe de ses amortis sabrés plutôt que la poudre des ses canons par les sabords du fond de court, il soumet le grand Roger. Quelle consé­cra­tion pour le trentenaire ! 

« Telle est a vie des hommes. Quelques joies très vite effa­cées par d’inou­bliables chagrins. Il n’est pas néces­saires de le dire au enfants. ». A l’instar de Tommy Haas, ils l’ap­pren­dront de l’ex­pé­rience de leurs pères si ce n’est de leur bouche. Le marin germain a fait sien l’adage de Marcel Pagnol. Conscient de ce drame, il n’en est que plus décidé à prendre ce que la vie lui offre et à en profiter au maximum. Que ce soit par le tennis ou la famille qu’il a fondé depuis le décès de son père. La force de l’ex­pé­rience lui permet en 2012 de revenir, plus mûr, plus apte à se délecter des plai­sirs de l’exis­tence. « Le jeunes hommes dévore la vie, le vieillard la déguste » dit la prophétie. A 33 ans passés, le messie germain risque donc de conti­nuer long­temps à cruci­fier ses adver­saires. L’homme voguant contre vents et marées au creux des vagues est parvenu à garder son navire stable. Pas insub­mer­sible mais stable. L’homme tangue, le joueur résiste. La barbe blan­chie par le sel de la vie, jamais il ne renon­cera. Un jour peut‐être il accostera.